Karma
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La loi de Karma, ou Action, est l’un des principaux enseignements de la philosophie orientale. Cette loi y est affirmée comme étant universelle, ayant sa racine, ou sa base, dans l’expiration (action) et l’inspiration (ré-action) de Brahm, le Grand Souffle ou le Moteur Invisible, par le mouvement duquel, dans la matière (substance), toutes choses sont émanées.
Il y a une chose que nous pouvons déduire de l’Action, c’est la Ré-action. Ce fait montre le processus de Karma. La loi de Karma se manifeste sur ou dans différents plans de la vie et diffère selon le plan où elle agit. Newton exprima un mode d’action de Karma, sur le plan physique, quand il formula sa première loi du mouvement, à savoir : « l’Action et la Réaction sont égales et de sens opposés ». Les physiologistes et les psychologues nous disent que cette loi se vérifie dans le domaine des émotions et dans les actions et réactions du système nerveux également. La Bible occidentale exprime Karma pour le plan moral quand elle dit : « Ne vous trompez pas ; on ne se moque pas de Dieu. Ce que vous avez semé, vous le récolterez » (1). Cette causalité éthique, cette conséquence morale, cette conservation et inter-corrélation de l’énergie mentale, morale, et psychique, c’est aussi Karma.
Nous pouvons imaginer que lorsqu’un homme accomplit une action égoïste, ou pense de façon égoïste, cela pénètre dans un monde mouvant d’éther subtil, en tant que vibration spécifique, teintée, pour ainsi dire, par sa coloration mentale et morale, comme imprimée dans la vibration particulière qui est la sienne. Nous pouvons l’imaginer comme débouchant avec une énergie inépuisable dans cet éther qui répond puissamment au tremblement d’une pensée, et affectant ainsi, comme nous le dit la science, les lointaines étoiles par sa palpitation dynamique. Aux confins d’un système, cette énergie doit revenir, et réagir, naturellement selon la ligne de moindre résistance, jusqu’à la sphère ou base de laquelle elle est partie, et qui la ré-attire puissamment avec tout ce qu’elle a rassemblé sur elle-même dans le cours de ce long voyage, en affectant de diverses façons l’acteur, le créateur, vers qui elle est revenue. Ce processus de retour n’a pas toujours lieu dans la même courte vie humaine. C’est pourquoi nous avons la loi de réincarnation comme compagne et extension de Karma. L’âme est ré-attirée vers la vie sur terre, encore et encore, par le retour et le réveil de ses énergies en sommeil, auto-engendrées et attachées aux plans matériels de l’être. La Substance une, Akasha, Mûlaprakriti, l’Aether — appelez-la comme vous voudrez — ce d’où toutes les choses ont évolué, est, par l’effet de sa constitution atomique et de ses lois magnétiques, le grand Agent de Karma. Par son effet, toutes les choses et tous les êtres qui y sont immergés et en sont saturés deviennent les instruments mineurs de cette loi.
Karma est en fait l’Action et la Réaction, comme nous l’avons dit. Tout ce qui est, a été, ou sera produit, arrive en vertu de cette loi de Cause et d’Effet. Toute Action est le résultat d’une Action précédente. Sa justice est parfaite, son équilibre est immuable. Cette loi fait en sorte que toutes choses retourneront à leur source. Parmi les myriades de causes secondaires, ses ajustements et réajustements précis sont sans erreur, parce que chaque action a son équilibre et son effet propres.
Imaginez l’inverse du cas ci-dessus, et imaginez un homme sans égoïsme, n’agissant qu’avec le sens du devoir, et en accord avec la Loi d’évolution tendant vers le progrès. Comme avec cette lumière il voit que l’humanité est une et indivisible, ses actions ne seront pas colorées par sa personnalité. Elles ne créeront pas de courant contraire et particulier de discorde dans le milieu éthérique, et arriveront dans l’océan harmonieux de vie, tout autour de nous, en ondes aussi universelles que les siennes. Ne portant aucune impression personnelle, elles n’ont pas de raison de retour à la sphère de cet homme, qui alors pulse avec l’harmonie environnante et s’étend à l’éternel.
Certaines personnes disent que Karma est « cruel » parce qu’il « punit ceux qui font le mal sans connaître la loi karmique ». Mais Karma ne punit pas ! C’est un discours incorrect et erroné. Comment l’Action peut-elle punir ? L’Action comporte sa réaction, c’est tout. Une action égoïste ne peut réagir comme une bonne action, pas plus qu’un pépin de pomme ne peut donner un figuier ! Nous devons nous attendre à recevoir notre propre action en retour. Lorsqu’un enfant inconscient met sa main dans le feu, nous ne disons pas que le feu est cruel parce qu’il brûle l’enfant. Nous reconnaissons là l’action d’une loi sur le plan physique. Nous la respectons comme telle. Mais Karma est aussi une loi qui agit sur de nombreux autres plans et ne peut être effacée ou évacuée, pas plus que le feu ne peut l’être. L’adulte qui s’est brûlé souffre plus que l’enfant parce que son imagination entre en jeu. Celui qui fait sciemment un acte égoïste, défiant Karma, souffrira en réaction, sur les plans moral et mental, alors que, celui qui a mal agi, en ignorant la loi de Karma, aura probablement à supporter de moindres effets.
Toute Action est karmique et entraîne un nouveau karma. Les actions des hommes et des nations ; les conditions sociales ; les difficultés mentales, la joie, la peine, la vie, la mort, la santé, la maladie, l’émotion enthousiaste et la souffrance ; toutes sont des effets d’actions précédentes, que ce soit celles d’individus humains, de nations ou de races. Nous supportons une part du Karma national et en souffrons comme membre de la nation pour des actes que nous n’avons pas commis personnellement. Mais Karma — nos actions passées — nous a mis à cette place et dans cette nation, avec ces conséquences, même si, en Devachan, il y aura une compensation pour l’individu qui n’a pas mérité de telles épreuves pour sa propre personne.
Nous entendons parler d’« interférer avec karma » mais cela est absurde et impossible. Si pour l’un, c’est la pénitence et la souffrance qui lui sont accordées, pour un autre ce sera la possibilité de soulager cette souffrance. Il peut se faire, que par votre Karma, vous soyez menacé de dures conséquences et que, de mon côté, j’en sois exonéré. La souffrance, par ailleurs, est aussi un moyen d’expansion et de progrès de l’âme, si bien qu’elle peut constituer un « bon » Karma, alors qu’une situation dans le confort matériel et l’exonération de tout chagrin, se révèle souvent désastreuse pour l’âme en l’amenant à s’enfermer en elle-même. Plus désastreux encore est le refus de la sympathie et de l’aide aux autres lorsque, retenus par de froids raisonnements, nous nous interdisons de « souffrir avec tout ce qui vit » (2). Nous ne pouvons écarter la loi Karmique. Elle peut être retardée, mais elle reviendra avec d’autant plus de force.
La Loi est divine. Ce n’est pas nous qui la faisons. Nous mettons seulement en mouvement des causes que cette Loi préexistante d’Action et de Réaction nous renvoie comme des effets. Nous générons ces causes et, face à elles, nous exerçons notre libre arbitre jusqu’à ce que la multiplication de ces causes réagisse, et paralyse notre volonté.
Dans les actions seulement se fait l’enregistrement de tous les faits et pensées. Leurs impressions sur la Substance Une constitue le vrai livre du Jugement. Ainsi, Karma est le seul Juge légitime. Lui seul peut, de façon correcte, punir ou récompenser, car en lui seul réside le plein discernement. De même que le véritable Amour consiste dans la parfaite Justice, également impartiale envers tous, ainsi en est-il de la loi de l’Amour universel. Lui seul donne l’impulsion à l’âme, à travers l’expérience de la souffrance du Soi, pour l’épanouissement dans l’Impersonnel et l’Universel.
Cependant, il y a une façon d’échapper à Karma, c’est en le devenant soi-même. Le Devoir accompli pour lui-même, sans intérêt pour les résultats, (car seul le Devoir nous appartient — les conséquences se trouvent dans le Grand Brahm) en agissant ou en renonçant à l’action, parce que c’est cela qu’il faut faire, de cette façon, par notre dévotion intérieure, nous devenons un avec cette Loi à laquelle nous obéissons. N’étant plus jamais ses instruments inconscients, nous sommes alors ses agents conscients, comme une partie de cette Loi, en gardant en nous-mêmes et mettant en pratique sa première grande injonction :
« L’inaction dans un acte de miséricorde devient une action dans un péché mortel » (3).
Jasper Niemand (4) – F.T.S.– Article publié en anglais dans la revue The Path, d'avril 1891.
Notes :
(1) [Saint Paul dans, l’Epître aux Galates 6, 7] [retour texte]
(2) [La Voix du Silence, pages 68 à 70 – Éd. Textes Théosophiques] [retour texte]
(3) [La Voix du Silence, page 47 – Éd. Textes Théosophiques.]
(4) [jasper Niemand est le nom de plume de J. Campbell VerPlanck]