Le Gardien du Seuil.

par Espace Théosophie
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Ce qui peut sembler être une expression très fantasque pour beaucoup – « le Gardien du Seuil » ‒ a été utilisé par Bulwer Lytton dans son roman Zanoni pour illustrer ce qui se produit dans la vie de tout étudiant qui s’aventure au-delà du simple plan physique. Le récit dépeint un vieux Sage ‒ pas tout à fait tel que nos études Théosophiques pourraient nous le laisser penser‒ qui est l’instructeur de Glyndon, le héros du roman. Sur le point d’entreprendre un voyage, il désigne deux vases qui sont laissés dans une pièce et préviens Glyndon de ne pas les ouvrir, sinon certaines conséquences ne manqueraient pas de se produire. Glyndon, malgré cet avertissement, alors qu’il se trouve seul laisse libre cours à sa curiosité et ouvre les deux vases. D’abord, il fut envoûté par un parfum enivrant qui paraissait exaltant et lui fit ressentir un sentiment de très grande joie. Après un certain temps, ce sentiment passa, et il commença à voir diverses formes, d’abord vagues et indistinctes, puis de plus en plus claires, jusqu'à ce que chacune semble prendre une apparence très menaçante, et pour finalement se fondre en une seule forme qui menaçait de l’attaquer et qui le terrassa d'horreur. Cette forme s'appelle le Gardien du Seuil.

Maintenant, essayons de comprendre que chaque être humain est comme au centre d'un cercle ; un cercle qui garde la mémoire de chaque expérience que nous avons traversée et du cumul des connaissances acquises à ce jour, ‒ un cercle qui définit notre progrès depuis le début. Si nous associons à cela, l'idée que chaque vie s’ajoute à la réserve de connaissances acquises, et que toute connaissance, égoïste ou désintéressé, est conservé en soi, nous pourrons voir dans le cercle, comme, des zones concentriques, dont chacune correspond à un type particulier de conscience et composée d’un genre particulier de substance. Ces zones sont au moins au nombre de sept. Alors, si nous sommes placé au centre de toutes ces zones, chacune nous entoure et nous éloigne de la zone la plus élevée, la plus parfaite, la plus spirituelle de notre nature ; et, si nous voulons progresser, ne serait-ce que d’un pas au-delà du simple plan physique, nous devons traverser la zone qui est immédiatement au-delà du plan physique, et dans laquelle résident existent les éléments les plus mauvais et égoïstes de notre nature et de nos expériences. Nous devrons pénétrer cette zone et la traverser pour atteindre les strates supérieures de notre être ; mais la seule façon de la traverser est d’éveiller ses énergies latentes est de les affronter pour les transformer. Tout être, quelle que soit la qualité de l’expression ordinaire de sa nature, devra traverser cette zone. Tout homme bon, quand il voyage, doit emprunter le chemin qui mène à son but, quelle que soit l’état du chemin. Même boueux, mais il devra le traverser.

Il en est ainsi, pour tout étudiant, qui aspire à aller de l'avant et qui veut se connaître ‒ son puissant motif étant d'obtenir tous les pouvoirs, toutes les aptitudes, afin d’être le plus à même d'aider ses semblables. Quand il commence à avancer il est très heureux d'avoir trouvé la solution à tous les problèmes de la vie. Tout semble propice et agréable, maintenant ; les difficultés ne sont pas sur sa route ; les incapacités physiques sont patiemment supportées ; il voit que tout n'est pas aussi mauvais qu'il le pensait. Puis, il avance un peu plus loin, et rencontre d'autres choses ; il trouve des forces l'entourant, qu’il a engendré et, qui commencent à s'éveiller. Car il y a en chacun de nous des sens dormants et des expériences dormantes que les conditions de vie actuelles et les idées dominantes de l'époque ne permettent pas d’exprimer. Toutefois, dès que nos pensées et notre esprit sont tournés dans une direction plus élevée, les idées dominantes commencent à perdre leur force, et, en gardant notre attention centrée dans la nouvelle direction, les sens et les pouvoirs dormant, ainsi que les effets des expériences passées commencent à se faire ressentir. Ces influences, si étranges, sont parfois décourageantes ; nous ne savons pas à quoi les attribuer ; mais au fur et à mesure que nous avançons, elles commencent à prendre forme. Car chaque expérience possède une forme, sans quoi elle ne pourrait se conserver, et nous mettons ses forces en action et leur donnons vie en dirigeant notre attention sur elles. Finalement, les différentes formes perçues par l'étudiant sérieux fusionnent en une seule forme, variable selon l'étudiant, car elle garde la marque des penchants et des tendances familiales – en particulier, celle de ses aversions. Pour un étudiant la forme sera stable, avec un autre, elle changera à chaque fois. La forme symbolise ce qui dans notre passé karmique est déséquilibré. Il faut l’affronter ; et puisque notre propre karma passé est aussi en lien avec le karma collectif des races dans lesquelles nous nous sommes incarnés ‒ plus particulièrement de la race dans laquelle nous sommes maintenant ‒ nous ne réveillons pas seulement les Gardiens individuels et spécifiques à notre propre sphère, mais tous ceux qui sont semblables dans notre race ou notre peuple. Nous devons combattre non seulement nos propres fantômes, mais aussi ceux de notre peuple, et en conquérant ces entités habitant des zones extérieures à nous-mêmes, nous aidons à élever la totalité du karma de la race à laquelle nous appartenons.

La Théosophie enseigne que l'homme est un être spirituel, et pas du tout physique ; que le corps lui-même n'est qu'un instrument physique tiré de la terre par le pouvoir de l'homme intérieur ; que le mental n'est qu’un ensemble d’idées concernant la vie, mais la véritable individualité, est l'Esprit de l'homme, le Connaisseur, le Perceveur. Cet individu devint tel avant que cette terre ou que ce système solaire ne soit, et dans les transformations de la matière, il a œuvré dans divers états de condensations de la substance jusqu'au plan actuel. Sur chaque plan de substance, il a acquis un état de conscience, un ensemble de sens et un corps fait de cette substance ; tous ces corps acquis et tous ces plans de conscience sont continuellement avec lui, réagissent sur lui dans le corps comme lui-même réagit sur eux. Chaque vie physique ne permet d’exprimer qu'une faible partie de tout notre vaste réservoir d'expériences du passé, mais, en avançant, nous pouvons le rouvrir très rapidement.

Il y a un aphorisme qui exprime que le Karma[1] peut être retardé par certaines actions, et qu'il peut également être précipité ; qu'il est précipité par le pouvoir d'un vœu. Ainsi, lorsque l'individu fait le vœu d’aller de l'avant, pour pénétrer de plus en plus profondément dans sa vraie nature spirituelle, il cause la précipitation du Karma qui, sinon, serait resté en réserve pendant encore de nombreuses années ; il éveille toutes les entités en lui ‒ forces élémentaires, tendances, germes qui attendent de pouvoir fructifier. En les éveillant, en utilisant de nouveaux pouvoirs, il affronte son Karma plus hâtivement ; il libère une force bien réelle. Ainsi, le « Gardien du Seuil » est une chose bien réelle, et quelque chose que nous devrons tous rencontrer, que nous commencions maintenant ou attendions mille incarnations. Nous ne pouvons faire autrement que de passer par cette épreuve ‒corriger tout le mal accumulé du passé. Car il est absolument impossible à un homme d'échapper à son Karma. Chacun tel qu’il habite dans sa propre sphère. Autour de lui il y a tous les effets produit par lui-même dans les âges passés, ainsi que dans le présent, et tant qu’il n’aura pas éliminé tout le mal dont il s'est revêtu, il ne pourra jamais avoir ce pouvoir qui appartient aux sages et aux sauveurs ; la force et la puissance de ses motivations doivent être minutieusement éprouvées avant qu'il ne puisse accéder aux zones supérieures de son être.

Récemment, notre génération a vu venir dans le monde, la grande philosophie de la Théosophie, apportée et donnée par ceux qui la connaissaient. Dès que ceux à qui elle a été donnée ont commencé à l’étudier, et ont essayé d’avancer sur le chemin emprunté par tous les sages, le Gardien du Seuil de notre époque a été réveillé. De nombreux, nombreux échecs sont imputés à la Théosophie. La grande science a été mutilée de mille façons, de sorte que le grand public ne sait pas qu'il existe un enseignement complet laissé par ceux qui l'ont apporté. Cette connaissance existe ; la méthode pour éveiller la nature intérieure est juste devant nous ; les portes n’ont jamais été fermées devant qui que ce soit ; mais personne, si puissant soit-il, autre que nous-même, ne peut mettre en œuvre l'action intérieure nécessaire pour franchir le pas. Chacun doit comprendre le pourquoi de l’épreuve ; chaque pas doit être vu comme le pas à faire par celui-là même qui le fait. L'étincelle divine au sein de l’humain désire un espace où brûler. Elle ne peut pas être mise à l'étroit, ou contrainte. Mais nous la contraignons en pensant que nous sommes notre corps physique ; en pensant que nous pouvons être sauvés par les efforts des autres, en faisant reposer nos péchés sur les autres, en croyant que la connaissance peut nous être conférée par les autres. Ces idées fausses sont nos Gardiens, car elles nous empêchent d’avoir une véritable perception. Pris dans les mailles de l'action et la réaction, nous sommes incapables de tourner nos esprits dans la bonne direction. La mission de la Théosophie fût d'éveiller l'homme réel de ce sommeil ancestral, ‒ un sommeil peuplé de rêves, agissant avec les pouvoirs de sa propre nature et créant forme après forme ; des rêves ou des cauchemars dont aucun ne mène au vrai but. Ce n'est que lorsque l'étincelle divine en nous aura pris feu grâce aux lumières de ceux qui ont dépassé nos états que nous pourrons faire le véritable pas nécessaire pour sortir de cette condition qui est pour tant de gens une vallée de misère et de mort.

Notre Gardien nous accompagne sans cesse. Tout ce qui s’oppose au bien est le fait de ce gardien. Tout ce qui nous empêche de prendre les mesures que nous pouvons voir comme étant les meilleures pour nous, est le fait du gardien. Nous sommes entourés de toutes parts par les influences de nos camarades qui font qu’il nous est plus difficile de faire le premier pas et de persévérer, comme dans nos meilleurs moments où cela nous semble être le mieux à faire. Leurs pensées et leurs actes ont tendance à renforcer notre Gardien. Notre plus grand Gardien est créé par le doute, la suspicion, la peur ; le manque de foi. Ce sont les aspects visibles du Gardien, et les premières influences que l'on ressent de lui. Ces gardiens doivent être conquis. Nous devons avoir une foi absolue ; une foi absolue dans notre pouvoir d'apprendre, et une confiance inconditionnelle dans ce qui nous est enseigné. Car, si l'on nous dit qu'il existe une science de la vie, une connaissance de toutes les lois de la vie, n’y a-t-il rien de plus utile que de découvrir si ce qui est dit est vrai ou faux ? Sûrement, il n'y en a pas. Dans quelques années, cette petite vie physique s’achèvera. Qu’est-ce que nous en aurons appris ; comment en aurons-nous profité ? Aurons-nous affaibli suffisamment le Gardien maintenant, pour nous permettre de franchir le pas avec plus de force dans l'avenir, ou devrons-nous continuer à dériver et accumuler ces forces qui se dresseront toujours sur notre chemin tant que nous n’aurons pas fait le pas ? L'humanité entière aura à le faire un jour, même si c’est après des éons et des éons de souffrances dues aux mauvaises routes suivies.

Un champ vaste et merveilleux est ouvert à chaque être humain. Tout ce qu'il aimerait savoir, il peut le savoir. Tous les mystères qui l’entourent peuvent être éclaircis. Tous les pouvoirs qui résident dans la nature, dans chacun de ses départements, peuvent lui appartenir ; mais, SEULEMENT, s’il voit qu'il fait partie du grand Tout ; quand il sent qu'il ne pourra jamais utiliser un pouvoir d'aucune sorte à des fins personnelles égoïstes, mais qu'il mettra tous ses biens au service exclusif de ses semblables, et pour leur avantage ; SEULEMENT alors, les meilleurs et les plus hauts pouvoirs pourront opérer en lui. Jamais rien d'égoïste, ni rien de lié au simple corps, ou à son salut, à son confort, ou à la poursuite de ses propres désirs ne pourra jamais ouvrir les portes ; seule la détermination à aller de l'avant, à devenir l'un des serviteurs de la Nature, à travailler pour le progrès de tous les êtres de l'univers, ouvrira les portes. Aucun credo ne nous sauvera. Aucune croyance ne nous sauvera ; pas même ce qui nous semble bon de notre propre point de vue personnel ; aucune réforme de ceci, de cela ou d’autre chose ne pourra « sauver ». Seule la connaissance de notre propre nature et la détermination de mettre cette connaissance de manière efficace au bénéfice des autres, pas de nous-mêmes ; SEUL cela allumera la flamme qui brûle maintenant si faiblement alors que nous sommes dans le corps.

Le « Gardien du Seuil » est en nous. Allons-nous briser, percer ce plan où il demeure ? Pouvons-nous être suffisamment déterminés pour traverser toutes ces épreuves qui s’imposent à nous à cause de nos pensées et notre action dans le passé, et toutes celles que nos semblables ont placées à cause de nous ? Sommes-nous assez forts pour franchir le pas ?

 Par Robert Crosbie - Theosophy, 1922-1923, vol. IX, p. 113/116

D'après le rapport sténographique d'une conférence de Robert Crosbie.

 

[1]Aphorismes sur Karma (Cahier Théosophique n°157 – voir en particulier l’aphorisme n°19) :

Aphorisme n°16 : « Pendant qu'un homme subit un certain karma dans l'instrument fourni, la partie non épuisée de son karma ne s'élimine pas par le canal d'autres êtres, ou par d'autres moyens, il reste en réserve pour se manifester plus tard ; et tout le temps écoulé, où aucune opération de ce karma n'est ressentie, n'entraîne pas le moindre affaiblissement à sa puissance, ou changement à sa nature. »

Aphorisme n°19 : « Au cours d'une vie, l'instrument peut subir certaines modifications qui l'adaptent à l'expression d'une nouvelle catégorie de karma ; ceci peut se produire de deux façons : a) par l'intensité de la pensée et le pouvoir d'un vœu ; b) par les changements naturels survenant après l'épuisement complet des causes anciennes. » 

Aphorisme n°22 : « On peut considérer trois sortes de karma : a) celui qui opère dans cette vie, par les instruments appropriés ; b) celui qui est en train d'être créé, ou mis en réserve, pour être épuisé dans l'avenir ; c) celui qui provient de la vie ou des vies passées, et n'opère pas encore, étant inhibé par le caractère inadapté de l'instrument employé par l'Ego, ou bien par la force du karma opérant actuellement. »