(L'article suivant fut publié dans l'E.S.T. en 1893, et est aujourd'hui rendu public. Il eut à l'époque, comme encore de nos jours, un très important impact sur tous les Centres de la Société Théosophique (S.T.). Peut-être ne s'agit-il plus tant de savoir si la S.T., en tant que corps ouvert, va échouer, mais de juger si tel ou tel centre particulier, en raison de petits désaccords et manques de tolérance, que ce soit en son sein ou dans sa relation avec d'autres Centres, pourra ou non préserver l'unité de son existence propre. La pratique du Premier Objectif, tel qu'il fut formulé à l'origine, et non pas réduit à un vain verbiage métaphysique, suffit à elle seule à prévenir un tel échec. - Éd.)

Un Centre est un noyau d'énergie, autonome de l'intérieur, et capable d'irradier sa force vers toutes les autres parties. La création d'un centre, quelle qu'elle fut (qu'il ait été "créé" en tant que tel, ou qu'il ait évolué au point d'en devenir un), a ce rayonnement pour premier objectif. Ce rayonnement résulte, grosso modo, de l'équilibre de forces. Ainsi, qu'il s'agisse des noyaux formés par la Loi de l'Évolution, de centres établis par la Loge, ou de ce centre que chaque âme peut faire en sorte de devenir (ou même des diverses Sociétés préservées par l'humanité dans son ensemble), cette intention est la même. Un Centre distribue l'énergie à toutes ses parties éloignées en relation avec lui, et reçoit en retour une certaine quantité d'énergie, mais toujours en vertu de sa propre nature essentielle, laquelle génère des énergies vitales en son propre sein. Ceci étant la marque distinctive des centres véritables, il s'ensuit nécessairement que l'absence d'une telle caractéristique dans un centre est un signe de désintégration, indiquant que ce centre est en train de cesser d'exister en tant que tel.

Un centre ne peut donner que ce qu'il contient, ce qui signifie qu'un centre peut persister comme tel tout en changeant de qualité. Supposons par exemple qu'un centre puissant et utile, plein d'aspirations à l'harmonie, rayonnant une aide mentale et spirituelle à tous ses quartiers. Imaginez que la discorde surgisse dans (ou entre) les parties qui le composent. Le centre génère de la discorde. Il devient alors aussi puissant pour le "mal" qu'il l'avait été jusque-là pour le "bien", et il restera l'agent d'une telle discorde spirituelle et mentale jusqu'à ce que ses énergies soient épuisées. Par "mal", on entend ici une action s'opposant aux courants de la Loi, à une évolution harmonieuse, et par "bien", l'inverse. Ceci est une déclaration approximative, un simple aperçu d'un fait dans la nature. Une vibration discordante a traversé l'ensemble de sa sphère, et son action a été inversée. Il importe de prendre ce fait en considération car tout étudiant désireux de devenir un centre bienfaisant est susceptible de devenir, sans même s'en rendre compte, exactement l'inverse. Il songe à devenir invisible, inactif, mais il n'y parvient pas ; exister, c'est agir.

Les Maîtres eux-mêmes ne peuvent retirer d'un seul coup leur force d'un tel centre, une fois qu'il a été créé. L'énergie entreposée doit être dépensée progressivement. La lune en est un exemple. Il est dit que la terre a reçu l'énergie emmagasinée sur la lune, désormais devenue une coque, pour ainsi dire, d'influences astrales nocives pour la terre.

Le centre de la lune a donné ses forces vitales à notre planète ; son action est inversée, si bien que sa présente production d'énergie est d'un ordre inférieur. La réserve d'énergie doit être dépensée graduellement ; elle ne peut être anéantie ou expulsée de force ; elle doit se conformer aux processus de la Nature et s'épuiser. Si, créée à des fins utiles, ses objectifs deviennent discordants, on ne peut que la laisser s'éteindre d'elle-même, graduellement, à l'instar d'autres avortements de la Nature, car la Nature non-aidée connaît des échecs. Ces échecs s'inscrivent dans le cadre de la Loi de Karma.

Si nous posons l'hypothèse d'un centre établi par des Adeptes, avec l'assistance et le consentement de certaines personnes, dans le but d'aider la race, nous pouvons constater immédiatement que dès que les personnes qui le composent commencent à y générer de la discorde, les Adeptes finissent par ne plus avoir d'autre choix que de lui retirer leur aide. Ils ne peuvent abolir ce qui est devenu un fait vivant dans la nature, une entité. Dans ce cas, ceux qui n'ont pas réussi à s'en tenir à leur intention initiale ne sont pas seulement confrontés au non-respect de leur engagement, mais doivent ensuite endosser la responsabilité d'avoir créé un centre actif pour le mal, car c'est ce qu'il va devenir et ce qu'il continuera d'être, tant que son énergie naturelle discordante ne sera pas épuisée.

On peut trouver une indication à ce propos dans une lettre du Mahatma K.H., dans le Monde Occulte (de A. P. Sinnett), où Il déclare que le cerveau de l'être humain génère un type d'énergie d'un ordre supérieur à celui de l'énergie cosmique grossière. Quand le mental de nombreuses personnes ont ainsi généré une force, quel en sera le résultat, si elles s'en servent pour semer la discorde, au lieu de répandre l'harmonie ? Il s'ensuit nécessairement que dans notre Société, dans nos groupes, dans tous nos centres, c'est l'harmonie qui doit prévaloir, sans quoi, nous aurons fondé un noyau de discorde, activement opposé à la Loi.

Et il en va de même au sein de notre être. Il n'y a pas une seconde où nous soyons inactifs, que ce soit du côté noir ou du côté blanc. Nos diverses actions importent bien moins en elles-mêmes, que l'ordre de grandeur de l'énergie mentale qui a été produite ; cette force peut être, et est sans aucun doute, utilisée par les Maîtres, d'où la nécessité d'être fidèle à Leurs idéaux. Car les idéaux que nous formons et imprimons sur le cerveau de l'univers sont vivants. L'homme qui a formé une telle image vivante et qui abandonne ensuite son intention première lutte contre ce à quoi il a lui-même donné vie et forme, si bien qu'au premier frémissement d'une énergie mentale qui lui est opposée, ce vivant idéal réagit et le blesse. Ensuite, tout n'est plus que discorde et oppositions, que ce soit dans le centre ou dans l'Homme.

Article de Jasper Niemand publié dans le The Theosophic Isis, pp. 116-118.

Lire l'article en anglais : Thoughts on Centers

(The following paper was published in the E.S.T. in 1893, and is now made public. It had at that time, as it still has, a very important application to every Centre through- out the T.S. Perhaps it is no longer a question whether the T.S. as an open body shall fail, but whether this or that particular Centre, by reason of small disharmonics and lack of toleration within itself or in relation to other Centres shall fail to preserve its special unified life. The practice of the First Object, as originally worded, not as reduced to empty metaphysical verbiage, is all that is necessary to avert such failure. - Ed.)

A CENTRE is a nucleus of energy, self-sustained from within, and capable of radiating its force to all other parts. The creation of a centre, however created ("created" as such, or evolved to the point of being such), has the radiation as its primary object. This radiation is the result, roughly speaking, of the balance of forces. Thus whether we speak of the nuclei formed by Evolutionary Law, or of those centres established by the Lodge, of that centre which every soul may cause itself to be, (or even of the various Societies maintained by man- kind at large) this intention is the same. A centre distributes energy to all those out-lying parts which are in relation with it, receiving by reaction a certain amount of force, but always, by virtue of its own essential nature, generating vital energies from within itself. This being the distinguishing attribute of real centres, it of necessity follows that the lack of such attribute on the part of any centre shows disintegration, shows that the centre, as such, is ceasing to be.

A centre can only give forth what it contains, that is to say, a centre may remain such while changing its quality. Suppose, for example, a strong and useful centre full of harmonious impulses, radiating help of a mental and spiritual kind to all quarters. Imagine then that discord arises in (or between) its component parts. The centre generates discord. It then becomes as powerful for "evil" as it has hitherto been for "good," and it will remain a factor for such spiritual and mental discord until its energy shall have run down. By "evil" is here meant action opposed to the currents of Law, to the evolutionary harmony; the term "good" stands for the reverse. This is merely a rough statement, a bare outline of a fact in nature. A discordant vibration has run through all the sphere and its action has been reversed. The importance of considering this fact lies in this-that every student desirous of becoming a centre of usefulness, may become the exact reverse without realizing it. He thinks to drop out of sight, out of action, but he cannot; to exist is to act.

Not Masters themselves can all at once withdraw force from such a centre once it is created. The storage of energy must be gradually expended. The moon is an example of this fact. The earth is said to have received the storage of energy of the moon, now a shell, so to say, of astral influences injurious to the earth.

The moon centre has given its life forces to our planet; its action is reversed and its present output of energy is of a lower order. The storage of energy must be gradually expended; it cannot be annihilated or forcibly expelled; it must follow the processes of Nature and run down. If, created for useful purposes, it turns to discordant ends, it can only be left to run itself out gradually, along with other abortions of Nature, as Nature unaided has her failures. These lie within the scope of Karmic Law.

If we suppose the case of a centre established by Adepts, with the assistance and consent of certain men for the object of helping the race, we may at once see that, if the men who compose it once begin to generate discord there, the Adepts have in time no choice but to withdraw their aid. They cannot abolish that which has become a living fact in nature, an entity. Then the men who have failed to abide by their original intention have not alone the fact of that broken pledge to contend with; they must thereafter bear the responsibility of having created a centre active for evil, for that it will become and will continue to be until all its natural force for discord has been expended. A clue to this may be found in a letter of Mahatma K. H. in The Occult World, where He says that the brain of man generates a higher order of energy from the gross cosmic. When the minds of many men have thus generated force, what will be the result if they use that force for discord instead of harmony? It must follow that, in our Society, in our groups, in all our centres, harmony must prevail, or we have established a nucleus of discord actively opposed to Law. And the same within ourselves. We never, for a single second, remain inactive for either the black side or the white. Our various acts do not so much count in themselves, as the order in mental force engendered; this force can be, and doubtless is used by the Masters, and hence the need of fidelity to Their Ideals. For the Ideals which we make and impress upon the brain of the universe, live. The man who has formed such a living picture and then abandons his intention, fights against that to which he himself has given life and form, and at the first quiver of a mental energy opposed to it, this living ideal reacts and injures him. Then all is discord and opposition, in the centre or in the Man.

Jasper Niemand, published in The Theosophic Isis, pp. 116-118.