Jiva (la Vie) et l’auto-génération (ou la naissance spirituelle)

par Espace Théosophie
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Jiva (la Vie) et l'auto-génération — La naissance spirituelle

« LE RAYON UNIQUE MULTIPLIE LES RAYONS PLUS PETITS. LA VIE PRÉCÈDE LA FORME ET LA VIE SURVIT AU DERNIER ATOME (de la Forme, le Sthula-sarira, le corps extérieur). À TRAVERS LES RAYONS INNOMBRABLES, LE RAYON DE VIE – L'UN – TEL UN FIL À TRAVERS DE NOMBREUSES PERLES. » (The Secret Doctrine I, 222, Stance VII, Sloka 2).

Les Stances de Dzyan archaïques présentent un rapport symbolique du processus archétypal du devenir sur tous les plans et dans toutes les sphères de manifestation. Il n'est autre que celui par laquelle l'Un devient le multiple tout en restant l'Un dans le multiple. Au plus haut niveau d'abstraction, dépassant à la fois les perceptions subtiles et sensorielles, ainsi que toutes les conceptions de l'esprit matérialisant, on dit que le pur rayon un de Lumière primordiale issu des Ténèbres absolues multiplie les rayons plus petits. C'est une représentation symbolique de la logique par excellence de la différenciation, la logique de la descendance divine et de la manifestation manvantarique [un Manvantara correspond au grand cycle de l’univers]. Il y a dans cette logique fondamentale un miroir de la nature miraculeuse de la naissance sur tous les plans. La gestation et la croissance sur tous les plans sont enracinées dans la solidarité universelle de toute vie. Cette solidarité est bien plus qu'un fait physique ou qu'un sentiment psychique. C'est un cadre moral et métaphysique à l'intérieur duquel s'effectue toute transformation de la forme et de la conscience.

Naissance 2Le langage symbolique codé de la Gupta Vidya contient le défi fondamental de la Sagesse Divine pour la pensée moderne. Par l'élaboration et la ramification, la pensée moderne a créé une vaste structure conceptuelle d'explication et a ainsi démêlé de nombreux processus secondaires de causalité. Pourtant, en même temps, la pensée moderne ne peut pas expliquer un phénomène aussi fondamental que la façon dont un fœtus émerge et se développe à partir d'une seule cellule minuscule. Malgré tous les clichés populaires sur l'extension de la vie grâce au génie génétique, le mystère fondamental de l'embryon demeure. De même, la pensée moderne a peu à dire sur le mystère métaphysique de l'Un ou le mystère psychologique de l'Ego. Dans les trois, il y a le même défi. Le mystère de l'Un est un défi de métaphysique et de méditation. En méditant, on rassemble en soi tous les nombreux rayons, rassemblés de façon archétypique dans les sept primaires, puis fusionnés en un point central invisible. Par des efforts répétés, on peut ainsi expérimenter quelque chose de cet état de conscience qui est antérieur à la différenciation. C'est une expérience du Vide métaphysique, mais elle est différente de l'expérience du sommeil profond parce que la totale conscience de soi demeure.

Le défi est d'imaginer ce que pourrait être les ténèbres divines, où il n'y a ni chose ni forme. Alors on doit imaginer qu'à l'intérieur du germe de la pensée divine dans les Ténèbres divines, il peut surgir un rayon d'énergie idéationnelle qui contient la potentialité du cosmos entier. A partir de ce rayon, il faut imaginer tout un ensemble ordonné d'élaborations et de manifestations progressives. Ceci est symbolisé dans la langue de la Kabbale par l'expression « trônes, pouvoirs et principautés ». Ceux-ci se réfèrent à toutes les armées subtiles de la Nature invisible. Dans la méditation, il faut aller au-delà de toutes jusqu'à l'Un. On pourra alors loger tous ces trônes, pouvoirs et principautés, les multiples hiérarchies impliquées dans la multiplication d'un rayon, dans les replis de la vie septuple et unitaire. Bien qu'il s'agisse d'un défi à la métaphysique, il ne peut être relevé que par la méditation profonde.

Le mystère de l'Ego un a été évoqué par Platon, qui a dit que l'âme humaine était un composé du même et de l'autre. C'est le mystère de ce qui est différent, mais consubstantiel à, ce qu'il reflète. Ce mystère pose un défi profond au sens le plus profond de la conscience de « Je-suis-Je». A la racine, la conscience de "Je-suis-Je" implique une négation totale de tout temps et forme, et de toute identification avec des souvenirs, des sensations, des attentes et des anticipations. Elle peut aussi faire abstraction de tout ce qui existe dans le domaine des apparences et ainsi faire l'expérience de l'être pur, indivisible et universel. En quoi, alors, la conscience de « Je suis Je » est-elle différente de la Déité elle-même ? C'est, pourrait-on dire, le mystère ultime du Sphinx, l'énigme que doit résoudre chaque âme humaine, non pas dans le sommeil ou les rêves et non après la mort, mais par une réflexion intense dans la conscience éveillée. Cette abstraction de signification à partir de l'expérience doit être réalisée par l'introspection, par l'identification avec d'autres cœurs, esprits et âmes, et aussi par la connaissance intime de tous les atomes de vie qui circulent sans cesse entre tous les êtres. L'âme doit acquérir une connaissance pratique de la conception panthéiste de la Déité dans la Nature. Résoudre le problème de l’Ego dans sa globalité est le défi fondamental de la métapsychologie.

Ces deux problèmes – le problème de l'Un par rapport au multiple et le problème du « même et l'autre » par rapport à la conscience du "Je-suis-moi" – sont reproduits et reflétés dans le mystère de l'embryon, du fœtus. et la cellule germinale. H.P. Blavatsky a posé le défi à la pensée biologique en questionnant : « je demanderai, cependant, s’il semble contre nature, encore moins « surnaturel », à chacun de nous, lorsque nous considérons ce processus connu de la croissance et du développement d’un fœtus en un bébé en bonne santé pesant plusieurs livres – d’où évolue-t-il ? De la segmentation d’un œuf infiniment petit et d’un spermatozoïde ; et puis après, nous voyons ce bébé se développer en un homme de 2 mètres de haut ! » – SD I, 222.

Les mystères de l'embryologie sont indissociables de ceux de la cosmologie. La philosophie de la Gupta Vidya est fondamentalement basée sur l'analogie ultime dans chaque processus de manifestation entre le plus cosmique et le plus atomique, entre le divin et l'humain. Par conséquent, les Stances de Dzyan, en décrivant l'origine du cosmos, contiennent d'innombrables références à Hiranyagarbha – l'œuf cosmique. Elles parlent de la gestation primitive dans les eaux de l'espace et expliquent comment la gamme entière des mondes émerge d'un point du germe pour produire la manifestation telle que nous la connaissons. Ces processus cosmologiques sont vraiment difficiles à comprendre, car ils soulèvent des questions fondamentales auxquelles on ne peut répondre simplement par une référence pieuse au ciel ou par l'imagerie intellectuelle. Malheureusement, c'est tout ce que les traditions pseudo-religieuses et pseudo-philosophiques ont fait, et elles n'ont donc pas réussi à répondre aux défis de la cosmogénèse et de l'anthropogenèse universelles. Si l'on saisissait l'intégrité des processus universels qui donnent naissance à la fois à la Nature et à l'Homme, alors on comprendrait qu'il n'est pas plus facile de répondre à ces questions qu’à des questions parallèles sur le corps humain et la naissance physique. Puisque la Divinité, l'Homme et la Nature sont philosophiquement inséparables, on ne peut pas comprendre l'origine du cosmos, l'origine de l'humanité ou juste la naissance d’un bébé indépendamment l'un de l'autre. Il faut retrouver un sentiment d'émerveillement que quelque chose d'aussi infiniment petit qu'une cellule germinale initiale puisse donner naissance à un être humain adulte.

H.P. Blavatsky a ensuite développé et aiguisé les mystères posés par l'embryologie en attribuant à la pensée moderne une compréhension approximative de : « l’expansion atomique et physique du microscopiquement petit en quelque chose de très grand, de l’invisible – à l’œil nu – vers le visible et l’objectif. La science rend compte de tout cela ; et j’ose dire que ses théories embryologiques, biologiques, et physiologiques, sont assez correctes en ce qui concerne l’observation exacte du matériel. Néanmoins, les deux difficultés majeures de la science embryologique – à savoir quelles sont les forces à l’œuvre dans la formation du fétus, et la cause de la « transmission héréditaire » de la ressemblance physique, morale ou mentale – n’ont jamais reçu de réponses adéquates ; et elles ne seront jamais résolues jusqu’au jour où les scientifiques condescendront à accepter les théories Occultes. » – SD I, 222-3.

En d'autres termes, si on veut rendre compte de manière systématique du processus d'immense expansion qui se déroule dans le développement du fœtus, on doit avoir une connaissance des différents plans et sous-plans de la matière, de l'esprit et de la conscience. Il faut aussi rendre compte des interactions de ces agents et forces au cours des différentes étapes du développement du fœtus, et donner un compte rendu philosophiquement cohérent des processus de transmission de la ressemblance, par lesquels les forces actives favorisent la croissance réelle. En commentant l'un des développements les plus intuitifs de la biologie du XIXe siècle, H.P. Blavatsky a fait l'éloge du professeur Weissmann et de sa vision de la cellule germinale ancestrale opérant sur le plan physique. Elle a fait une distinction vitale entre ce plasma physique et un plasma spirituel. Si l'on accepte la notion d'une cellule germinale ancestrale qui est par sa substance même l'agent de transmission sur une immense période de temps, alors il faut se demander à quel moment l'homme est doté de cette cellule. Suggérant le mystère métaphysique du Jiva ou de l'énergie vitale cosmique, elle déclara : « Complétez le plasme physique, mentionné dans la dernière note de bas de page, la « Cellule Germinale » de l’homme et toutes ses potentialités matérielles, avec le « plasma spirituel », pour ainsi dire, ou le fluide qui contient les cinq principes inférieurs du Dhyan à six principes – et vous avez le secret, si vous êtes suffisamment spirituel pour le comprendre. » – SD I, 224.

On ne peut pas répondre à ces questions fondamentales sur la base de méthodes inductives et dans les catégories restreintes de la pensée moderne. Aucune science expérimentale, aussi systématique et compliquée soit-elle, ne peut pénétrer l'ontologie du processus du devenir. Un poète ou un mystique, utilisant des métaphores, peut souvent s'approcher plus près pour évoquer le sens du mystère de ce processus, comme, par exemple, lorsque Rupert Brooke a écrit : « Sans date et sans mort… l'impulsion complexe accomplit sa volonté. » L'intuition poétique laisse entendre quelque chose d'intrinsèque et d'inhérent au processus de la vie, quelque chose d'extrêmement fertile, d'extrêmement complexe et intelligent, mais d'une précision infaillible. La vision des mystiques et des poètes touche ce qui est sans commencement et sans fin dans la vie, ce qui échappe à toutes les catégories, formules et équations.

La nature substantielle et indépendante du principe de vie est l'une des doctrines fondamentales de la Gupta Vidya. Derrière toutes les myriades de myriades de phénomènes de la vie dans la forme subsiste ce qui est antérieur, et aussi postérieur, à toutes les formes. La continuité de cette essence de vie s'exprime dans le concept du sutratman ou fil de vie, dont l'essence est comme un rayon qui crée ou pénètre d'innombrables incarnations. Il est également comparé à une goutte qui fait partie intégrante d'un vaste océan indivisible d'énergie vitale ou Jiva. La Vie Universelle doit être comprise à son propre niveau macrocosmique – indépendante de la fonction, indépendante de la manifestation et indépendante de la forme. Ceci marque un point fondamental de divergence entre les méthodes de la connaissance moderne et les modes de la Sagesse divine. Selon la science ésotérique, la vie seule peut comprendre la vie. Il faut expérimenter par la méditation ce que c’est que de donner naissance à une idée, à un courant d'idéation qui peut alors produire une puissante vibration électrique dans l'Akasha. Ce processus d'abstraction dans l'univers invisible éveille tout ce qui est latent et consubstantiel à une idée authentiquement universelle, et qui peut œuvrer ainsi sur d'immenses périodes de temps à travers de nombreux esprits et sous de nombreuses formes.

Comprendre cela nous rapproche de la magie des bodhisattvas et des mahatmas, ainsi que des pouvoirs de création, de génération spontanée et de gestation inhérents à la vie universelle. Ce n'est qu'ainsi que l'on peut commencer à appréhender quelque chose de l'océan inépuisable de vie. Pour commencer à comprendre ce que signifie donner naissance à une idée, on pourrait méditer sur le processus architectonique de l'évolution d'un germe minuscule en un fœtus. Penser intensément et profondément cela impliquerait de penser à toutes les étapes par lesquelles passe le fœtus, en analogie avec le processus cosmique. Alors, bien que l'on ne puisse pas approcher immédiatement le mystère de l'embryologie ou de la cosmologie, on commencera à expérimenter quelque chose de la logique de ce processus du devenir que les Stances de Dzyan décrivent en termes d'un Rayon multipliant les rayons plus petits. C'est le mode universel et archétypal de la manifestation de la vie qui précède la forme et qui survit au dernier atome de la forme. Pour l'être humain, ce processus doit être perçu intuitivement et expérimenté dans l'esprit noétique avant de pouvoir être compris dans ses formes réfléchies.

Une fois que l'on a acquis une certaine expérience de ce processus intérieur de la vie, alors on peut comprendre que les reflets familiers apparents de la vie sur le plan physique grossier sont en fait profondément mystérieux, inconnus et merveilleux. D'un point de vue occulte, la gestation du fœtus physique humain est presque totalement méconnue de la biologie contemporaine. Puisque, par exemple, cette dernière ignore complètement les processus d'involution de l'esprit dans la matière à travers les rondes et les globes successifs de la chaîne terrestre, et son observation selon laquelle l'embryogenèse suivrait les lignes de la phylogenèse est inexacte. La Gupta Vidya est totalement en désaccord avec l'évolutionnisme contemporain et en particulier avec les idées darwiniennes et néo-darwiniennes. Elle soutient que l'espèce humaine est beaucoup plus ancienne que toute la faune qui a subi tant de transformations sur le plan physique terrestre. Tout en admettant qu'il n'y a pas un seul animal aujourd'hui qui existe tel qu’il y a des millions d'années, il n'en demeure pas moins que la forme humaine est bien identique à la forme humaine qui existait bien avant que toute la faune du règne des mammifères n'existe. De plus, il y a ce qui dans la forme humaine est archétypal au sens cosmique et divin.

Il est, sans s’étonner, extrêmement difficile pour les êtres humains contemporains de comprendre le caractère sacré de la forme humaine ou de reconnaître le corps comme un temple divin. Ils sont trop absorbés par les perceptions sensorielles et trop engagés dans la désacralisation du corps humain, qui commence par l'abus sexuel avant même la puberté. Pourtant, le corps est en vérité le phénomène le plus divin de l'univers. Si l'humanité le savait durant l'âge d'or de la Troisième Race Racine, elle l'a certainement perdu de vue depuis longtemps.

Pourtant, la nature et le développement de la forme humaine physique sont inséparables de la croissance intérieure de l'homme. Soulignant l'attitude méprisante de l'humanité contemporaine envers sa propre incarnation physique, H.P. Blavatsky remarqua : « si ce phénomène physique n’étonne personne, sauf les Embryologistes qui sont perplexes, pourquoi notre croissance intellectuelle et intérieure, l’évolution du spirituel-humain en Spirituel-Divin, devrait-elle être considérée, ou sembler plus impossible que l’autre ? » – SD I, 223-224.

Si un fœtus et éventuellement une forme humaine peuvent se développer à partir d'une cellule, pourquoi les êtres humains ne peuvent-ils pas développer leurs vêtements spirituels subtils de la même manière ? Quelle est la nature de cette cellule germinale spirituelle qui peut être énergisée par la méditation et qui peut se déployer jusqu’à la pleine gloire de la perfection humaine ? Si l'on se demande comment une base de continuité et de transmission de la vie physique a pu exister chez l'homme, on peut aussi chercher l'origine et la nature de ce plasma spirituel dans l'histoire universelle de la race humaine. Ceci est lié aux mystères de l'incarnation dans la matière des Dhyanis. Ce n'est pas seulement quelque chose qui a eu lieu il y a longtemps, mais c’est un fait continu de la vie manifestée. H.P. Blavatsky a cité comme suit un ouvrage sur l'embryologie occulte : « Lorsque la semence de l’homme animal est projetée dans le sol de la femme animale, cette semence ne peut germer à moins d’avoir été fructifiée par les cinq vertus (le fluide ou émanation des principes) de l’homme Céleste sextuple. C’est pourquoi, le Microcosme est représenté par un Pentagone, à l’intérieur de l’Etoile Hexagonale, le « Macrocosme ».  – SD I, 224.

Ainsi, il y a ce qui est réellement impliqué dans la naissance d'un être humain physique ce qui est tout à fait indépendant de la procréation physique et de la passion physique. Il implique les hiérarchies cosmiques, les éléments divins au sein de la théogonie invisible de l'univers qui constituent les bouddhas Dhyani.

Certains des bouddhas Dhyani sont impliqués dans les principes inférieurs et donc dans les processus physiques de la gestation et de la conception. D'autres ont des fonctions beaucoup plus élevées par rapport à la vie universelle. Tous sont applicables à en rapport avec la vie du microcosme dans le macrocosme, le pentagone dans l'étoile hexagonale. Tous sont en quelque sorte reflétés dans le processus d'embryogenèse et impliqués dans le développement de la conscience qui a lieu tout au long du cycle de vie de l'être humain. En fait, il n'y a aucun moment dans l'expérience d'un être humain qui n'implique pas les armées de Dhyanis. Cela peut être compris en saisissant le fait que la vie comme essence universelle abstraite est présente dans toute sa puissance dans chacune de ses différenciations. Citant à nouveau la même source, H.P. Blavatsky poursuit :

« Les fonctions de Jiva sur cette Terre sont d’un quintuple caractère. Dans l’atome minéral, elle est reliée aux principes les plus bas des Esprits de la Terre (les sextuples Dhyanis) ; dans la particule végétale, à leur deuxième – le Prana (la vie) ; dans l’animal, à tous ceux-ci plus le troisième et le quatrième ; et dans l’homme, le germe doit recevoir la fructification de tous les cinq. Autrement il ne naîtra pas au-dessus d’un animal » ; à savoir un idiot congénital. Ainsi seulement dans l’homme le Jiva est complet En ce qui concerne son septième principe, ce n’est que l’un des Rayons du Soleil Universel. Chaque créature rationnelle reçoit seulement le prêt temporaire de ce qui doit retourner à sa source ; tandis que le corps physique est modelé par les vies terrestres les plus basses, par l’évolution physique, chimique et physiologique. » – SD I, 224.

Il est crucial que Jiva ne soit pas réduit à ses aspects sur les plans inférieurs de manifestation. Il est vrai qu'il y a de la vie dans les infusoires, les bactéries et les minuties de chaque point atomique en manifestation. D'où la doctrine selon laquelle chaque forme microscopique est composée de milliards et de milliards de « vies ». Il y a aussi de la vie dans chacun des sept règnes. Il y a de la vie dans le règne élémentaire composé de sylphes, de salamandres, d'ondines et de gnomes – les élémentaux, en dessous du minéral, liés aux éléments. Il y a de la vie dans la pierre et dans la roche, et il y a de la vie dans le règne végétal, marqué par l'émergence de la sensation sur un plan plus subtil que la cohésion caractéristique du règne minéral. Dans ce que l'on peut considérer comme analogue à la vision, il y a l'osmose par les plantes de la lumière. La lumière qu'une plante reçoit du ciel de minuit et aux premières heures de l'aube, la lumière qu'elle reçoit de la lune et du soleil, sont tous des aspects différents du Jiva en relation avec le règne végétal. Le même processus vital est à l'œuvre de manières complexes et diverses dans tout le règne animal.

D'autres aspects de Jiva ne peuvent pas être assimilés à quoi que ce soit qui sort de l'ensemble du processus à partir de l’inférieur, jusqu'au règne animal et à travers lui. Sinon, la forme humaine ne serait rien de plus qu'un monstre de Frankenstein. Il n'y a rien dans la connaissance contemporaine qui puisse vaguement imaginer ce qui produit une telle distinction fondamentale entre une forme animale vivante et un être humain. Il n'y a rien, en effet, dans la connaissance contemporaine qui puisse distinguer même entre un corps vivant et un robot ou un automate, tant sont appauvries ses conceptions de la vie et du mouvement. L'hypothèse d'une essence ou d'un principe vital n'est pas, en soi, suffisante pour de telles distinctions, puisque le fluide vital ou Liquor Vitae de Paracelse diffère entre les règnes animal et humain. Cet aspect de Jiva qui circule dans le corps humain en maintenant sa vitalité est un don des Dhyanis supérieurs, un flux d'intelligence nouménale et de consciente de soi. Parce que cette vitalité typiquement humaine n'est pas directement impliquée dans la manifestation physique, elle est pratiquement inconnue des êtres humains. Pourtant, elle peut être reconnue par son absence, ou lorsqu'il y a danger de la perdre. C'est ce qui vitalise, fait naître et libère la volonté spirituelle. C'est ce qui éclaire l'énergie créatrice de l'imagination supérieure et ce qui appartient au pouvoir d'idéation et d'intention. C'est ce pouvoir de la monade humaine capable d’imprimer sur le désir une forme et une intelligence. C'est cette vie qui est donnée par le pouvoir des idées, et par conséquent elle est liée au cours du long processus de l'histoire à ce qu'on appelle l'éducation.

C'est le fil conducteur du processus lent, douloureux et imparfait de l'instruction de l'âme. Bien que susceptible d'inversion et de corruption, il reste le processus central du développement seul par lequel il peut y avoir une libération de ce qui resterait autrement un potentiel simplement latent au sein de l'humanité. La vie dans ce sens supérieur est inséparable du pouvoir de choisir et de réfléchir, de la capacité de se concentrer et de se connecter. Ce pouvoir de synthèse est si crucial, même dans sa réflexion physique au niveau du système limbique du cerveau, que même une petite quantité de dommages de cette partie du vêtement physique peut entraîner la paranoïa ou la schizophrénie. Des millions et des millions de personnes vivantes aujourd'hui éprouvent une profonde scission du processus de pensée. Elles ne peuvent plus la coordonner ou se connecter ; elles ne peuvent pas rester pleinement consciente du début, au milieu jusqu’à la fin. Au lieu de cela, elles sont sujettes simplement à une immense prolifération d'images sans contrôle ni coordination.

Paradoxalement, la conscience et la participation en Jiva, ou dans la vie au sens le plus élevé, ne peuvent s’accroître que par la non-manifestation. C'est pourquoi les gens ne peuvent pas le comprendre. D'une part, sans sommeil, le corps humain mourrait. Ce n'est que dans le sommeil et la quiétude de l'appareil sensoriel, en particulier des sens physiques inférieurs, que les sens spirituels trouvent une opportunité d’éveil en tout être humain ordinaire. Ce n'est qu'à travers le sommeil qu'il y a une véritable osmose, une connexion, avec les vêtements supérieurs. Sans sommeil, il y aurait la mort. La forme physique est le produit de la vitalité intérieure ou Jiva, et non l'inverse. Par conséquent,

« Les tissus animaux,... dès la naissance de l'Entité, sont régulés, renforcés et nourris par elle. Elle descend avec un plus grand apport à la végétation dans le rayon solaire de Sushumna qui éclaire et alimente la lune, et c'est à travers ses rayons qu'il déverse sa lumière, et pénètre l'homme et l'animal, plus pendant leur sommeil et leur repos, que lorsqu'ils sont en pleine activité. – SD I, 537.

Sans ce processus de nourriture intérieure et de restauration dans le sommeil, il n'y aurait aucune résistance à l'excitation intense de l'énergie nerveuse, liée au fluide vital, qui vient finalement du Soleil Spirituel et est donc, sur son plan inférieur, extrêmement destructeur s'il n'est pas contenu. Là où il n'y a pas de discipline ou de protection de cette énergie, cela donne lieu à une fatigue extrême et épuise toute vie humaine.

« C'est ce qu'on appelle l'excitation nerveuse, mais personne, à l'exception des occultistes, ne connaît la raison d'une telle perturbation nerveuse ou n'en explique les causes primaires. Le « principe de vie » peut tuer quand il est trop exubérant, comme aussi quand il y en a trop peu. Mais ce principe sur le plan manifesté (ou le nôtre) n'est que l'effet et le résultat de l'action intelligente de l'"Armée" – collectivement, le Principe – la VIE et la LUMIÈRE qui se manifestent. Ce principe est lui-même subordonné à, et émane de la VIE UNIQUE toujours invisible, éternelle et absolue dans une échelle descendante et re-ascendante de degrés hiérarchiques – une véritable échelle septénaire, avec le SON (ou le Logos) à l'extrémité supérieure et les Vidyadharas (les Pitris inférieurs) en bas. » – SD I, 539.

Pour pouvoir libérer le Jiva supérieur, il faut devenir extrêmement calme et silencieux, capable de rester assis pendant des heures en ne faisant rien – pas même penser intensément – mais recevoir. Il faut être bien éveillé, s'accorder au Soleil Spirituel, aux régents des planètes sacrées et aux esprits des éléments – à l'esprit du feu, de l'air, de l'eau et de la terre, et surtout de l'Ether- Akasha. Ce n'est que lorsque l'on devient un homme de silence, un homme de méditation capable de rester immobile et bien éveillé tout en s’étant abstrait des sensations les plus subtiles, que l'on peut s'approcher davantage de ce que La Voix du Silence appelle la TOUTE PENSÉE. Ce n'est qu'en maîtrisant le mental que l'on peut guider intelligemment à travers le cinquième principe, ou Manas, le second principe de l'âme universelle, la force vitale de la Nature qui circule à travers l'homme. Quand on a maîtrisé ces puissances inférieures, on peut découvrir la subtile substance ardente d'Akasha, la bibliothèque infinie de la Nature. Par l'introspection et le silence, par le calme océanique, on peut augmenter son énergie vitale spirituelle, qui est le Jiva le plus élevé. Faire cela, c'est imiter ces Vidyadharas [supérieurs] qui sont ésotériquement la hiérarchie qui dota l'homme, dans la Troisième Race Racine, de la soi-conscience. Ces Siddhas sont des êtres « riches en dévotion » et des exemples de la communion la plus élevée et la plus sainte avec le Logos.

Pour éveiller l’intuition et assimiler leur présence en soi, il faut apprendre à s'asseoir dans le silence de sa propre méditation, sans projets ni crayons, sans stylos ni magnétophones, sans icônes ni insignes. Tous les appareils doivent être lâchés. Il faut simplement réfléchir, en commençant par un bija sutra, un mantra sacré. Alors on peut communier avec tous ces êtres en évolution qui sont riches en pouvoir d'adoration. Ce sont ceux qui se réjouissent et adorent tellement les autres qui sont au-dessus d'eux, et à travers cette adoration ils libèrent l'Eros divin au sens le plus élevé, le pouvoir de l'adoration divine et de la prosternation dévouée. Grâce au frémissement de cette adoration intérieure et de cette prosternation mentale, à l'opposé de la vanité grossière de l’homme qui s’est fait lui-même, il est possible de puiser et de libérer l'énergie spirituelle. Cette énergie vient de la communion avec les légions collectives d'êtres de lumière qui sont impliqués à doter les êtres humains des énergies et des pouvoirs vitaux les plus élevés.

C'est dans ce sens que le Jiva n'est complet que dans l'homme. Et pourtant, même ce Jiva est indépendant de la plus haute lumière Atmique liée au septième principe, qui peut être comparé à l'un des rayons ou faisceaux du Soleil Spirituel Central. Dans la langue codée et cryptée appelée Sanskrit l'origine spirituelle ultime de la vie est révélée par Jivatman, qui en un seul mot évoque l'ensemble de l'univers. Si l'on comprenait vraiment les nombreuses dimensions de Jiva et les nombreuses hiérarchies auxquelles il est connecté, et si l'on comprenait aussi quelque chose à propos de la vie spirituelle et du Soleil Spirituel, on serait capable de comprendre l'Atman comme étant un mouvement perpétuel, et saisir la continuité entre les radiations du Soleil Spirituel Central et les pulsations au cœur du système solaire.

"Le Soleil est le cœur du Monde Solaire (Système) et son cerveau est caché derrière le Soleil (visible). De là, la sensation est rayonnée dans (qui irradie) chaque centre nerveux du grand corps, et les ondes de l'essence de vie s'écoulent dans chaque artère et veine... Les planètes sont ses membres et ses pulsations... " Le Soleil in abscondito étant ainsi l'entrepôt de notre petit Kosmos, générant lui-même son fluide vital, et recevant toujours autant qu'il donne ", et le Soleil visible n'est qu'une fenêtre taillée dans le vrai palais solaire et la présence, qui reflète pourtant fidèlement le travail intérieur.

"Ainsi, il y a une circulation régulière du fluide vital dans tout notre système, dont le Soleil est le cœur – la même que la circulation du sang dans le corps humain – pendant la période, ou la vie, manvantarique solaire." – SD I, 541.

Le mystère de Jivatman englobe le mystère du cosmos, de l'Ego et de l'embryon. C'est le moteur le plus puissant de l'énergie spirituelle, exploité par les yogis grâce au pouvoir des vœux maintenus intacts au cours de vies de méditation. C'est l'essence de la vie immortelle à laquelle on peut faire appel par la pénitence, par les tapas, par le vrai repentir et par la compassion. C'est l'essence vivante du Serment de Kwan-Yin, l’union avec l'énergie vitale spirituelle et la volonté spirituelle, le plasme spirituel de la cosmologie occulte. C'est tout à fait au-delà de la perception terrestre et de la réalité apparente de l'existence animale. C'est au-delà de la substance éthérée des dieux inférieurs. C'est ce qui est toujours présent et primordial, indestructible et omnipotent. C'est le fluide d'Akasha, l'énergie même qui circule dans les êtres les plus élevés en manifestation, libérée par le renoncement et la dévotion, le sacrifice et la méditation. C'est, par essence, la vie immortelle en esprit, le Logos mystique imprégnant le cosmos et la Présence divine dans chaque cœur humain.

Article de Raghavan Iyer, publié dans la revue Hermès, juin 1984.

Cet article disponible en anglais sur Internet : https://www.theosophytrust.org/883-Jiva-and-self-generation

Les références dans la Doctrine Secrète d’H.P. Blavatsky, sont tirées de l’édition originale en anglais The Secret Doctrine, publiée en 1889.

Extrait du Glossaire Théosophique de W.Q. Judge

JIVA (sans.). La vie, comme l'Absolu ; la Monade aussi ou Atma-Buddhi.

JIVANMUKTA (sans.). Un Adepte ou Yogi qui a atteint l'état ultime de sainteté et s'est séparé de la matière ; un Mahatma, ou Nirvani, un "habitant dans la félicité" et l'émancipation. Pratiquement celui qui a atteint le Nirvana au cours de sa vie.

JIVATMA (sans.). La Vie Universelle UNIQUE, en général ; mais aussi l'Esprit Divin dans l'homme.

VOLONTÉ. En métaphysique et en philosophie occulte, la Volonté est celle qui gouverne les univers manifestés dans l'éternité. La volonté est le seul et unique principe du MOUVEMENT éternel abstrait, ou son essence qui l'anime. « La volonté, dit Van Helmont, est la première de toutes les puissances... La volonté est la propriété de tous les êtres spirituels et se manifeste en eux d'autant plus activement qu'ils sont libérés de la matière. Et Paracelse enseigne que « la volonté déterminée est le commencement de toutes les opérations magiques. C'est parce que les hommes n'imaginent pas et ne croient pas parfaitement au résultat, que les arts (occultes) sont si incertains, alors qu'ils pourraient être parfaitement certains. Comme tout le reste, la Volonté est septuple dans ses degrés de manifestation. Emanant de la Volonté une, éternelle, abstraite et purement tranquille (Atma en Layam), il devient Buddhi dans son état Alaya, descend plus bas en tant que Mahat (Manas), et descend l'échelle des degrés jusqu'à ce que l'Eros divin devienne, dans son état inférieur, la manifestation animale, le désir érotique. La volonté en tant que principe éternel n'est ni esprit ni substance mais idéation éternelle. Comme l'a bien exprimé Schopenhauer dans son Parerga et Paralipomena, « Dans la réalité sobre, il n'y a ni matière ni esprit. »