Symbolisme théosophique
- par Espace Théosophie
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Cet article fut publié pour la première fois par W.Q. Judge dans la revue The Path (mai 1886) (N.D.T.)
Le nombre 7, depuis que la Société Théosophique fut fondée le 17 Novembre 1875, a toujours joué un rôle important dans toutes ses affaires, et, bien entendu, les symboles qui concernent spécialement la Société, ou lui appartiennent, sont au nombre de sept. Ces symboles sont : premièrement, le sceau de la Société ; deuxièmement, le serpent qui se mord la queue ; troisièmement, la croix gnostique à côté de la tête du serpent ; quatrièmement, les triangles entrelacés ; cinquièmement, la croix ansée placée au centre ; sixièmement, l'épingle de la Société composée d'une croix ansée entourée d'un serpent et formant ensemble les lettres T.S. (1); septièmement, OM, le mot sacré védique.
Le sceau de la Société contient tous ces symboles énumérés, excepté Aum, et il en est la synthèse. En réalité, il exprime ce qu'est, en soi, la Société, et il renferme ou devrait renfermer, sous une forme symbolique, les doctrines auxquelles beaucoup de nos membres adhèrent.
Pour être digne de ce nom, un symbole doit être contenu dans l'idée ou les idées qu'il a pour objet de représenter. Ainsi, le symbole d'une maison ne pourrait jamais être une proue de navire ou une aile d'oiseau, mais il faut qu'il soit contenu de quelque façon dans la forme même de la maison ; autrement dit, il doit constituer une partie effective de celle-ci, choisie pour représenter ou remplacer la maison dans son entier. Il n'est pas nécessaire que la totalité soit figurée : on peut employer une forme ou une sorte inférieure pour représenter une autre forme supérieure de la même catégorie. Le mot symbole est dérivé de termes grecs qui signifient mettre ensemble, c'est-à-dire réunir. Pour être juste et correct, un symbole doit être tel qu'aussitôt perçu par un individu versé dans le symbolisme, sa signification et son application deviennent aisément compréhensibles. Les Egyptiens représentaient le retour de l'âme à sa source, après l'épreuve subie dans la Salle des Deux Vérités, par un globe ailé, car un globe est le symbole soit de l'Ame suprême, soit d'un fragment de celle-ci, et les ailes figuraient sa vie et son envol vers les sphères supérieures. Dans une autre branche de leur symbologie, ils représentaient la justice par une balance à la pesée rigoureuse ; tandis que, dans la Salle des Deux Vérités dont il vient d'être question, ils utilisaient le mode d'expression précédent et symbolisaient l'homme pesé par la justice ; dans un plateau de la balance, le coeur symbolisait l'homme se mesurant au poids de la plume de la vérité placée dans l'autre.
Il existe une figure hiéroglyphique égyptienne très étrange et qui mérite d'être étudiée par les esprits curieux. Nous ne ferons que l'évoquer en attirant l'attention sur la mine de renseignements précieux contenue dans la méthode que les Egyptiens utilisaient pour figurer leurs conceptions relatives au macrocosme. Parmi les nombreux papyrus qui sont actuellement au British Museum, il y a un dessin représentant un globe soulevé par un scarabée à l'aide de sa tête et de ses pattes antérieures, l'animal lui-même se tenant dressé sur une sorte de piédestal qui comprend certaines divisions et dont l'aspect général ressemble à une section de sablier traversée de lignes horizontales qui se prolongent de chaque côté. Ce piédestal représente la stabilité, mais que signifie ou que cache le tout ? Ceux qui peuvent se contenter de suggestions n'ont qu'à songer au rapport qui existe entre le Soleil et la Terre dans sa révolution le long de son orbite.
Mais poursuivons notre analyse : le second symbole est le serpent qui se mord la queue. C'est la sagesse et l'éternité. C'est l'éternité qui, n'ayant ni commencement ni fin, est représentée par le serpent avalant sa queue. Il existe un ancien symbole hermétique semblable à celui-ci, mais où le cercle est formé de deux serpents entrelacés chacun mordant la queue de l'autre. Sans aucun doute, ce symbolisme a trait à la dualité du Tout manifesté ; de là ces deux serpents inextricablement entrelacés.
En outre, les écailles des reptiles représentent l'image des facettes du diamant qui symbolisent la diversité infinie des aspects de la sagesse ou de la vérité. Cela n'est pas dû à un manque de cohérence ou de valeur dans la vérité elle-même, mais seulement aux divers points de vue que chaque individu peut saisir au sujet de l'Unique Vérité. Ces facettes réfléchissantes sont les êtres qui composent le macrocosme, chacun ne se développant que jusqu'à un certain degré, et par suite, ne pouvant apprécier et refléter que la dose particulière de sagesse qui lui est échue. En passant mainte et mainte fois par la forme humaine, l'individu développe lentement d'autres pouvoirs variés, et apprécie plus de vérité, de sorte qu'à la longue il s'unit au tout : c'est alors un homme parfait, capable de connaître et de ressentir complètement son union avec le tout. Il a atteint le Yoga le plus élevé. Ainsi, au cours de nos expériences, dans l'histoire et l'ethnologie, nous trouvons des individus, des nations et des races, dont le manque de sensibilité envers certaines idées ou, au contraire, dont le pouvoir de les saisir, ne peuvent s'expliquer autrement que par les doctrines de la réincarnation et de karma. Si ces doctrines ne sont pas admises, on ne peut échapper à une négation vide de sens.
Il n'est pas nécessaire d'exprimer la dualité de l'Âme Suprême par deux serpents, parce que dans la troisième partie formant également le sceau, cette idée est symbolisée par les triangles entrelacés. Celui dont le sommet est tourné vers le haut est blanc, l'autre est noir avec la pointe dirigée vers le bas. Ils sont entrelacés, parce que lors de sa manifestation, la nature double du Suprême ne se sépare pas en ses parties distinctes. Chaque atome de matière, ou tout au moins ce qu'on appelle ainsi, possède également son atome d'esprit. C'est ce que la Bhagavad Gîtâ (2)appelle Purusha et Prakriti, et Krishna déclare qu'il est à la fois Purusha et Prakriti, qu'il est le meilleur et le pire des hommes. Ces triangles signifient également « l'univers manifesté ». C'est l'un des plus anciens et des plus beaux symboles qui existent ; on le retrouve chez toutes les nations, non seulement chez celles qui vivent actuellement, mais aussi sur les monuments, les sculptures et les autres vestiges de grandes races qui nous ont légué ces édifices gigantesques et silencieux - silencieux si l'on considère le son de la voix humaine, mais vibrants de paroles pour ceux qui se donnent la peine d'écouter. Ils semblent remplis d'idées maintenant transmuées en pierres.
Les triangles assemblés de la sorte forment en leur espace intérieur, une figure plane à six côtés. C'est là le monde manifesté. Six est le nombre représentant le monde, et 666 est le grand mystère qui se rattache au symbole. Saint Jean parle de ce nombre. Autour de ce centre hexagonal, se trouvent les six triangles pénétrant dans le monde spirituel et touchant le serpent de la sagesse où s'inscrit la figure. Dans un livre ancien, la même idée est représentée par la grande tête du Seigneur qui s'élève au-dessus de l'horizon de l'océan de matière, et par les bras levés de manière à constituer la moitié supérieure du triangle tourné vers le haut. C'est le « long visage », qu'on appelle aussi macroprosopus. Au fur et à mesure qu'il s'élève lentement et majestueusement, l'eau tranquille qui s'étend en dessous, en donne un reflet renversé, ce qui produit le double triangle complet. Le triangle inférieur est généralement sombre et sévère d'aspect, mais en même temps sa partie supérieure est elle-même lumière, car elle est formée par la tête majestueuse de cet Adam Kadmon. C'est ainsi que ces triangles se fondent l'un dans l'autre. Et ceci est un parfait symbolisme car l'image représente nettement la façon dont le jour se fond dans la nuit et le mal dans le bien. En nous se trouvent les deux aspects ou, comme le dit le chrétien Saint Paul, l'homme naturel et l'homme spirituel se combattent constamment si bien que ce que nous voudrions faire nous ne le pouvons pas, ce dont nous désirerions ne pas nous rendre coupables, nous le faisons, poussés par la moitié sombre de notre être. Pour notre part, nous nous sentons incapables de tenter en quelques mots d'expliquer ce grand symbole. Consultez Hermès, Saint Jean, la Cabale, les livres hindous, ce qui vous plaira, et vous découvrirez les sept fois sept significations des triangles entrelacés.
OM est la syllabe sacrée védique : répétons-la en dirigeant notre pensée vers sa vraie signification(3). Dans le petit cercle placé sur le serpent, se voit une croix dont les extrémités sont recourbées. On l'appelle Croix Gnostique. Parmi d'autres idées, elle symbolise l'évolution car la courbure de ses pointes est causée par la révolution des deux diamètres du cercle. Le diamètre vertical représente l'esprit descendant qui sectionne en deux la ligne horizontale. Après quoi, la révolution autour du grand cercle commence et ce mouvement est figuré dans le symbole par les extrémités recourbées. Dans le chapitre III de la Bhagavad Gîtâ, Krishna dit : « Celui qui, jouissant coupablement de la satisfaction de ses passions, n'apporte pas sa contribution au maintien de la rotation de la roue ainsi mise en mouvement, celui-là vit en vain ». Cela signifie que nous devons aider à faire tourner la grande roue de l'évolution et non nous y opposer ; nous devons essayer de contribuer au Grand Oeuvre qui consiste à retourner à la source d'où nous sommes issus et nous efforcer constamment de transmuer la nature inférieure en supérieure et cela non seulement en nous-mêmes, mais aussi chez nos semblables et dans le monde animé tout entier.
Cette croix est aussi le symbole du chakra hindou ou du disque de Vishnou. Dans le Mahâbhârata, est décrit le conflit entre les Asuras et les Dévas, désireux de s'approprier le vase d'Amrita le nectar d'immortalité issu de l'océan après un laborieux barattement, vase que les Asuras voulaient s'approprier. Le conflit commença lorsque Rahu, un Asura, prenant la forme d'un Deva, se mit à boire l'ambroisie. Dans ce cas, l'Amrita est la sagesse spirituelle, l'existence matérielle, l'immortalité et le pouvoir magique. On découvrit la fraude de Rahu avant qu'il n'ait avalé l'ambroisie et c'est alors que le combat commença.
« Au milieu de cette hâte fébrile et de la confusion du combat, Nara et Narayana(4)entrèrent ensemble dans le camp. Narayana voyant un arc céleste dans les mains de Nara, se rappela son chakra, le destructeur des Asuras. L'arme fidèle, prête à l'appel du mental, tomba du ciel avec une vitesse vertigineuse, admirable, mais d'un aspect terrible. Lorsqu'il arriva sur le camp, luisant comme la flamme du sacrifice et répandant la terreur à l'entour, Narayana, ayant courbé son bras droit comme la trompe de l'éléphant, lança l'orbe pesante, le messager rapide, ruine glorieuse des villes ennemies, grondant comme le feu final destructeur, bondissant avec une force dévastatrice, tuant des milliers d'Asuras dans son vol rapide, brûlant et consumant comme le feu ardent, et détruisant tout ce qui voulait s'opposer à lui. Après un temps, il remonta aux cieux d'où il était venu. » (Mahâbhârata, Livre I, Chap. 15).
Ezechiel, chez les Juifs, vit cette roue, alors qu'il se trouvait parmi les captifs près du fleuve Chebar en Chaldée. Dans un vision, lui furent montré les quatre bêtes et l'homme de l'Apocalypse et avec eux, « pour chacune des quatre figures », il y avait une roue de la couleur d'un béryl ; elles formaient « comme une roue dans une roue » et elles suivaient partout les créatures vivantes, « car l'esprit des créatures vivantes était dans les roues ». Tout ceci lui parut effrayant car il dit : « Et quand ils partirent, j'entendis un bruit, comme le bruit des grandes eaux, comme la Voix du Tout-Puissant, un bruit de tumulte comme le bruit d'une armée. »
Beaucoup d'autres significations sont cachées dans ce symbole comme dans tous les autres.
Au centre des triangles entrelacés, se trouve la croix ansée. Celle-ci est aussi extrêmement ancienne. On la retrouve fréquemment dans les anciens papyrus égyptiens. Elle représente la vie. Lorsque Isis se tient devant le candidat, ou l'âme, à son arrivée, elle tient dans une main cette croix, tandis que le candidat lève la main pour ne pas regarder son visage. Dans un autre papyrus, on voit une figure ailée dont les ailes sont attachées aux bras et, dans chaque main, on trouve la même croix. Entre autres choses, nous voyons ici à nouveau les deux diamètres, horizontal et vertical, mais cette fois unis au cercle qui est placé au-dessus d'eux. Ce symbole est identique à l'ancien signe astrologique de Vénus. Mais dans le sceau, sa signification principale et la plus importante se rapporte à l'homme régénéré. Ici, au centre, après avoir traversé les différents degrés et cycles, l'esprit et la matière sont unis dans l'homme intelligent et régénéré qui se tient au milieu, connaissant toutes choses dans l'univers manifesté. Il a triomphé de la mort et tient en main la croix de vie.
Le dernier symbole théosophique est constitué par l'épingle de la Société, adoptée dans les premiers temps de son histoire, mais fort peu employée maintenant. Elle est constituée de la croix que nous venons d'examiner, et d'un serpent enroulé autour d'elle de manière à former le monogramme T.S.
Ce qui précède n'épuise pas le sujet. Tout symbole doit avoir sept significations importantes, et chacun de ceux que nous avons étudiés peut donner lieu à ce nombre d'interprétations. Il serait utile d'en faire une étude intelligente, car lorsqu'on médite sur un symbole réel, incarnant plusieurs conceptions, l'idée seule de ce symbole suggère immédiatement dans le mental toutes les pensées qui s'y rapportent.
1 T.S pour Theosophical Society (N.D.T.) [retour texte]
2 La Bhagavad-Gîtâ, ch. XIII; id. ch. X. [retour texte]
3 cf. The Path no. I, p. 24. Voir en français, le Cahier Théosophique n° 94, intitulé La signification d'OM. (N.d.T.) [retour texte]
4 Dans la Bhagavad-Gîtâ, Nara et Narayana se retrouvent ensemble sur le champ de bataille sous les traits d'Arjuna et de Krishna. (N.d.T.) [retour texte]