Maîtres, Adeptes, Instructeurs et disciples
-
Affichages : 1285
Cet article est destiné aux membres de la S.[ociété] T.[héosophique] et en particulier à ceux qui gardent H.P.B. présente à l'esprit, que cela soit par respect et par amour pour elle, ou par crainte et par jalousie à son égard. Les membres qui croient que des êtres comme les Maîtres peuvent exister doivent arriver à l'une des deux conclusions suivantes à propos de H.P.B. : ou bien elle a inventé ses Maîtres qui, par conséquent, n'existent pas ; ou bien elle ne les a pas inventés, mais elle a parlé en leur nom et sur leur ordre. Si nous disons qu'elle a inventé les Mahâtma, alors cela implique, bien évidemment — comme elle l'a souvent dit elle-même — que tout ce qu'elle a enseigné et écrit est le produit de son propre cerveau, ce qui nous obligerait à accorder à H.P.B. une place plus élevée qu'on a bien voulu lui attribuer dans le rang des personnages grands et puissants. Mais je pense que la plupart d'entre nous lui faisons confiance lorsqu'elle affirme avoir eu des instructeurs qu’elle appelait Maîtres, et qu'ils sont des êtres plus parfaits que les hommes ordinaires.
Voici les points que je voudrais brièvement aborder : H.P.B. et ses rapports avec les Maîtres et avec nous, ses livres et ses enseignements, le problème général des disciples ou chélas et de leurs différents degrés, la question de savoir si un chéla avancé n'apparaîtrait pas presque comme un Maître par rapport à nous (c'est-à-dire tous les membres, depuis le Président jusqu'au dernier membre inscrit).
Ce dernier point est extrêmement important ; il a été trop souvent perdu de vue par les membres, comme j'ai pu l'observer dans la majeure partie de la S.T. L'idée s'est largement répandue que les chélas et les disciples sont tous du même degré, et que, par conséquent, ils ont tous la même connaissance et la même sagesse. Mais, en fait, c'est tout le contraire. Nombreux sont les degrés des chélas et des disciples : certains Adeptes sont eux-mêmes les chélas d'Adeptes plus élevés. Il y a donc la plus grande différence entre les classes de chélas puisque, parmi eux, if faut aussi compter la personne la plus humble et la plus ignorante, qui a consacré sa vie au service de l'humanité et à la poursuite de la connaissance du Soi. D'autre part, il y a des chélas de haut rang qui sont effectivement élèves des Maîtres eux-mêmes, et ils ont tant de connaissance et de pouvoir qu'ils nous apparaissent comme des Adeptes - et ils le sont, en effet, comparés à nous-mêmes qui ne sommes que de simples produits de ce XIXe siècle. Ils ont acquis, par la connaissance et la discipline, les pouvoirs sur le mental, la matière, l’espace et le temps qui, pour nous, ne sont encore que des récompenses qui miroitent dans les perspectives de l'avenir. Mais pourtant ces personnes ne sont pas les Maîtres dont parle H.P.B. Ceci étant posé, nous pouvons nous demander maintenant comment il faut considérer H.P. Blavatsky.
En premier lieu, chacun a le droit de lui accorder la place la plus élevée si cela lui plaît, parce qu'il est peut-être incapable de concevoir la nature et les qualités de ceux qui sont au-dessus d'elle. Mais, selon ses propres déclarations, elle était chéla ou disciple des Maîtres et, de ce fait, elle occupait par rapport à eux une position où elle était susceptible d'être réprimandée, corrigée ou blâmée. Elle les appelait ses Maîtres, et elle se déclara toute dévouée à leurs ordres, en faisant preuve vis-à-vis de ce qu'ils disaient d'un respect et d'une confiance que tout chéla manifeste à l’égard de celui qui est suffisamment élevé pour être son Maître. Mais si nous considérons les pouvoirs qu'elle a montrés au monde et qui, comme l'a écrit l'un de ses Maîtres, ont troublé et surpris les plus brillants esprits de notre temps, force nous est de constater que, par rapport à nous, elle était un véritable Adepte. Aussi bien en privé qu'en public, elle parlait de ses Maîtres à peu près dans les mêmes termes que le fit Subba Row lorsque, s'adressant à l'auteur, il déclara en 1884 : « Les Mahâtma sont, en fait, certains des grands Rishi et Sages du passé, mais les gens ont trop pris l'habitude de les rabaisser au niveau médiocre de ce siècle. » Mais en plus du respect qu'elle avait pour ses instructeurs, elle éprouvait pour eux un amour et une amitié que l'on rencontre rarement sur terre. Tout ceci démontre sa qualité de chéla par rapport à eux mais, en aucun cas, ne la rabaisse à notre niveau, ni ne nous autorise à porter sur elle un jugement hâtif, ou fondé sur les critères de notre monde moderne.
Certains théosophes cherchent à savoir s'il existe des lettres de ses Maîtres, autres que celles déjà publiées, dans lesquelles Ils lui demandent des comptes, la qualifient de chéla et parfois la réprimandent. Peut-être en existe-t-il. Et alors ? Qu'on les publie donc si on y tient, et que l'on ait ainsi l'ensemble de toutes les lettres qui furent envoyées pendant sa vie ; celles qu'on présentera qui auront été écrites après sa mort n'auront aucune valeur pour un jugement à porter à son sujet, vu que les Maîtres ne se livrent pas à des critiques sur des disciples qui ont quitté la terre. Etant donné qu'elle-même a publié des lettres, ou des extraits de lettres de ses Maîtres, dans lesquels Ils la qualifiaient de chéla et la réprimandaient, le fait d'en connaître d'autres du même genre ne nous apportera rien de plus. En effet, face à tout cela, nous avons notre bon sens, ainsi que les déclarations de ses Maîtres affirmant qu'elle était le seul instrument possible pour le travail qu'il y avait à faire, qu'Eux-mêmes l'avaient envoyée pour le faire, et qu'Ils approuvaient en général tout ce qu'elle avait fait. Et elle a été le premier canal direct d'intercommunication entre la loge et nous et le seul jusqu’à ce jour par lequel se soit manifesté la présence objective des Adeptes. Nous ne pouvons ignorer le messager tout en acceptant le message, et nous moquer de celle qui nous l'a apporté, ou la mépriser. Il n'y a rien de nouveau dans l'idée qu'il existerait des lettres encore non publiées, où les Maîtres la placeraient au-dessous d'eux ; et il n'y a pas lieu d'avoir quelque appréhension que ce soit. Mais on peut être certain qu'il n'y a rien, dans une seule de ces lettres, qui la placerait au-dessous de nous ; elle demeurera toujours le plus grand des chélas.
Il reste alors le point de vue de certaines personnes qui, en ignorant les règles qui régissent ces questions, estiment que des chélas écrivent parfois des messages émanant soi-disant des Maîtres, alors qu'il n'en est rien. C'est là une position artificielle qui n'est fondée sur aucune loi, ni aucune règle. Elle est due à une ignorance de ce qu'est et n'est pas l'état de chéla, et aussi à une confusion entre les divers degrés dans l'échelle des disciples. Ce point de vue a été adopté à l'égard de H.P.B. On a d'abord prétendu, à tort, qu'un chéla accepté de haut degré pouvait s'habituer à prendre des messages sous la dictée du Maître, et tomber ensuite dans une sorte de fraude, en transmettant une communication provenant de lui-même, tout en prétendant qu'elle émane du Maître. Ceci est impossible. Dans le cas de H.P.B., le lien n'était pas de nature à pouvoir être traité de la sorte. Une seule faute de ce genre détruirait la possibilité de toute communication ultérieure de la part de l'instructeur. Il est peut-être tout à fait exact que des chélas en probation se soient imaginé, de temps à autre, qu'ils recevaient l'ordre de dire telle ou telle chose, mais on ne peut retenir cette explication, ni aucune autre de ce genre, dans le cas d'un chéla accepté de haut rang, qui est irrévocablement assermenté. Cette idée devrait donc être abandonnée ; elle est absurde, contraire à la h aux règles et à ce qui doit se passer effectivement lorsque sont établies des relations comme celles q ont existé entre H.P.B. et ses Maîtres.
Traduction de l'article : « Masters, Adepts, Teachers, and Disciples » de W.Q. Judge (Revue The Path, juin 1893).
Article extrait du cahier théosophique n°141 - © Textes Théosophiques.