Un cas d’obsession

par Espace Théosophie
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Suite au numéro d'avril de ce magazine [The Theosophist], un respectable médecin anglais nous fait part du cas d’une victime d’une "obsession", dont il a été témoin et qu’il décrit dans la lettre ci-dessus :

« Je prends la liberté de m'adresser à vous dans l'espoir d’aider la cause humanitaire, d’éveiller votre attention et d'obtenir toute votre aide et expérience, concernant une personne « possédée ». Vous comprendrez que le monsieur en question est devenu médium contre son gré, après avoir assisté à quelques séances de « matérialisation ».

« Depuis lors, il a été, plus ou moins, sujet à une série de persécutions de la part de l'esprit qui le "dominait". Malgré tous ses efforts pour se débarrasser de l'influence, il a dû, de maintes manières, vivre de viles souffrances et douleurs, et, presque toujours dans des circonstances de plus en plus difficiles. En particulier par le fait que ses pensées sont poussées à cultiver des tendances normalement prohibées sans qu’aucune cause extérieure ne le justifie. Les fonctions corporelles sont neutralisées ; par exemple il pourra se mordre sévèrement la langue et les joues en mangeant, etc., et être sujet à maints autres petits désagréments qui sont, en fait, le moyen par lequel le "médium" (inconnu) maintien et parfait sa connexion. Je pourrais vous décrire les détails les plus pénibles, si vous connaissez un moyen écarter cette influence, et s'il est nécessaire d'être plus précis et complet dans ma description, je vous enverrais toutes les informations que je possède. »

On est peu conscient en Inde de la vague actuelle de cas surprenants de phénomènes de médiumnité en Occident - la "matérialisation" - que quelques mots d'explication sont nécessaires pour les faire comprendre. En bref, on constate depuis quelques années, sous bonnes conditions d’authenticité, la présence de certains médiums en Amérique et en Europe, qui font apparaitre des morts, qui à tous égards ressemblent à des êtres humains vivants capables de se déplacer, d’écrire des messages à des amis présents ou absents, parler de manière audible dans leur langue familière durant leur vie, même si le médium les ignoraient, et qui étaient vêtus de l'habit qu'ils portaient de leur vivant. De nombreux cas d'imitations frauduleuses de morts ont été dévoilés, de prétendus médiums ont pu pendant des années tromper les crédules, et des cas d’authentiques médiums, aux pouvoirs psychiques attestés, semble-t-il, sans ambiguïté, qui ont pu être surpris à jouer de mauvais tours, et céder à l'amour de l'argent, ou à la notoriété. Pourtant, malgré tout cela, il reste un résidu de véritables cas de matérialisation, bien visibles, tangibles et audibles de portraits de personnes décédées.

Ces merveilleux phénomènes ont été diversement considérés par les chercheurs. La plupart des spirites les ont considérés comme de précieuses preuves de la survie de l'âme ; tandis que les théosophes, familiarisés aux enseignements des anciens théurgistes et des philosophes aryens encore plus anciens, les ont considérées au mieux comme des illusions trompeuses des sens, mais surtout comme de grands dangers pour la nature physique et morale du médium et du spectateur sensibles à certaines influences psychiques. Ces étudiants de l'Occultisme ont remarqué que les médiums des matérialisations ont trop souvent ruiné leur santé en épuisant leur système nerveux et perdu leurs qualités morales. Ils ont maintes et maintes fois alerté le public spirite que la médiumnité était un don des plus dangereux, qui ne devait être toléré qu'avec de grandes précautions. Pour cela, ils ont reçu beaucoup d’hostilités et peu de remerciements. Pourtant, le devoir [du théosophe] s’impose, et le cas qui nous occupe maintenant nous offre la précieuse occasion d’un important conseil amical.

Nous n'avons pas besoin de nous arrêter pour discuter de la question de savoir si les formes dites matérialisées décrites ci-dessus sont ou ne sont pas celles du défunt auxquelles elles ressemblent. Cela peut être gardé de côté jusqu'à ce que les faits fondamentaux de la science psychique orientale soient mieux compris. Il n'est pas non plus nécessaire de discuter pour savoir s'il y a eu d’authentiques vraies matérialisations. Les expériences londoniennes de M. William Crookes, F.R.S., et celles américaines du colonel Olcott, toutes deux bien connues et convaincantes, nous donnent une base d’exemples suffisants pour discuter. Nous admettrons la réalité des matérialisations, et prendrons le cas cité par le médecin anglais comme sujet d’analyse.

Le patient est alors décrit comme ayant été "contrôlé" depuis sa fréquentation de "cercles" où ont eu lieu des matérialisations, et maintenant est devenu l'esclave de certaines puissances maléfiques qui l'obligent à dire et à faire des choses douloureuses voire dégoûtantes, malgré sa résistance. Pourquoi en est-il ainsi ? Comment un homme peut-il être contraint d'agir contre sa volonté ? Qu'est-ce que l'obsession ? Ces trois courtes questions, sont des plus difficiles à répondre devant un public non initié. Les lois de l'obsession ne peuvent être bien comprises que par celui qui a étudié toutes les profondeurs de la philosophie indienne. La seule clef du secret que possède l'Occident est contenue dans la science très bienfaisante, du magnétisme ou du mesmérisme. Cette science enseigne l'existence d'un fluide vital dans et autour de l'être humain, le fait qu’il y a différentes polarités humaines, et la possibilité pour une personne de projeter ce fluide ou cette force à volonté, vers et sur une autre personne différemment polarisée. La théorie du baron Reichenbach sur la force odyle ou odic nous montre que ce fluide est présent aussi dans le règne minéral et végétal, et le règne animal. Pour compléter la liste des preuves, on citera la découverte par Buchanan de la faculté psychométrique de l'homme qui permet de prouver, à l'aide de cette faculté, qu'une influence subtile être exercée par les gens sur les maisons et aussi les lieux où ils vivent, le papier sur lequel ils écrivent, les vêtements qu'ils portent, et la portion de l'Éther Universel (l'Akâsa des Aryen) dans laquelle ils vivent - et qu'il s'agit là d'une influence permanente, perceptible très longtemps après que l'individu ait vécu et exercé cette influence. En un mot, nous pouvons dire que les découvertes de la science occidentale corroborent complètement les récits des sages grecs et les théories plus précises de certains philosophes indiens.

Les Indiens et les bouddhistes croient de la même manière que la pensée et l'action sont toutes deux matérielles, qu'elles nous survivent, que les désirs mauvais et bons d'un homme l'entourent d’une atmosphère qu'il a lui-même créé, que ces désirs et ces pensées prennent des formes qui deviennent réelles après sa mort, et que Moksha [des Bouddhistes], ou le Nirvana, [des Hindouistes] ne peut être atteint tant que l'âme désincarnée ne s’est pas complètement libérée de l’ombre des pensées obsédantes et s'est débarrassée de toutes souillures terrestres. Les progrès de la recherche occidentale dans cette direction ont été et ne pourront être que très graduels. L’examen des cas de phénomènes grossiers à ceux portant sur la matière plus sublime, et au-delà aux mystères de l'esprit, est un dur chemin nécessaire décrit dans les préceptes d'Aristote. La science occidentale a d'abord constaté que le souffle que nous expirons était chargé d'acide carbonique qui, en excès, est fatal à la vie humaine ; puis que certaines maladies dangereuses se transmettaient de personne à personne via des sporules rejetées dans l'air par le corps du malade ; puis que l'homme projetait tout autour de son corps et sur tout ce que l’approche une aura magnétique qui lui est propre ; et, enfin, on postule qu’une perturbation physique puisse s’imprimer dans l'Éther quand on pense. Un autre pas en avant sera de prendre conscience du pouvoir créateur magique de l'esprit humain, et du fait qu’une souillure morale est tout aussi transmissible qu’une souillure physique. L'"influence" reçue lors de mauvaises rencontres sera alors comprise comme provenant du contact avec le magnétisme dégradant des personnes vicieuses, et qu’elle est plus subtile que les impressions véhiculées par l’œil, l’oreille, les images ou les sons. Ces derniers, images ou sons, peuvent être repoussés en évitant résolument de voir ou d'entendre ce qui est mal ;  mais le magnétisme enveloppe l’être sensible et le pénètre au-delà du poison moral qui flotte dans l'air et qui peut être écarté. Les ouvrages "Animal Magnetism" de Gregory, "Researches" de Reichenbach et "Soul of Things" de Denton expliqueront cela clairement au chercheur occidental, bien qu'aucun de ces auteurs ne soit à même de faire le lien entre la branche de la science qu’il étudie et sa source mère – la Psychologie indienne.

Dans le cas présent, nous sommes face à un homme très sensible aux impressions magnétiques, qui ignore la nature des « matérialisations » et par conséquent, est incapable de se protéger de mauvaises influences, quand il est dans des cercles où il est à proximité d’un médium imbibé involontairement et depuis longtemps par des magnétismes maléfiques, au point que sa nature soit saturée par ces émanations qui retiennent les pensées et désirs des vivants et des morts. Le lecteur est renvoyé à un article intéressant du juge Gadgil de Baroda (voir notre numéro de décembre), sur "les idées hindoues sur la communion avec les morts", pour un exposé clair de cette question relative aux âmes qui restent prisonnières de la terre, ou pisachas. "On considère," écrit-il, "que dans cet état, l'âme [du décédé], étant privée des moyens de jouir des plaisirs sensuels procurés par son ancien corps physique, est perpétuellement tourmentée par la faim, la soif et autres désirs corporels, et cherchera une jouissance par procuration en entrant dans le corps physique vivant d’autres personnes, ou en absorbant les essences les plus subtiles émises lors de pratiques de libations et d’oblations qui leurs sont dédiées. Ceci ne devrait pas nous surprendre car un homme polarisé négativement, un homme au tempérament sensible, peut soudainement être pris par le courant d'émanations immondes d'une personne vicieuse, vivante ou morte, et absorber le poison insidieux aussi rapidement que la chaux vive absorbe l'humidité, jusqu’à en être saturé. Ainsi, un corps poreux pourra absorber le virus de la petite vérole, du choléra, ou du typhus, et par analogie on peut comprendre que ce que dit la Science Occulte est justifié.

Pour utiliser une comparaison facile, il plane au-dessus de la surface de la terre comme un brouillard moral chaud, composé des exhalaisons, impures, chargées de vices et de  passions humaines. Ce brouillard pénètre l’être sensible jusqu'au cœur de son âme et son moi psychique l’absorbe comme une éponge absorbe de l'eau, ou des effluves de lait frais. Il engourdit son sens moral, stimule, développe ses instincts les plus bas, et annihile ses bonnes résolutions. Comme les fumées d'un caveau font vaciller le cerveau ou comme un éboulement dans une mine coupe la respiration, ce lourd nuage d'influences immorales emporte l’être sensible au-delà de limites qu’il maîtrise, et il devient « obsédé », à l’instar de notre patient anglais.

Quel remède peut-on suggérer ? Notre diagnostic ne l'indiquerait-il pas ? Le sensible doit corriger sa sensibilité et sa polarité négative être changée en positive ; il doit être actif au lieu de passif. Il pourra être aidé par un magnétiseur qui comprend bien la nature de son obsession, et qui est de nature morale pure et physiquement saine ; il devra être un homme de volonté ayant un fort magnétisme. Mais, surtout, il faudra que le combat pour la liberté soit mené par le patient lui-même. Sa volonté devra être éveillée. Il devra expulser le poison qui imbibe sa nature. Petit à petit, il faudra regagner le terrain perdu. Il devra se rendre compte que c'est une question de vie ou de mort, de salut ou de ruine, et il aura à lutter jusqu’à la victoire, comme celui qui fait un ultime et héroïque effort pour sauver sa vie. Son alimentation devra être des plus simples, il évitera : de manger de la nourriture animale, d’absorber des stimulants, de côtoyer des personnes susceptibles d’être animées de la plus minime pensée impure. Il demeurera seul le moins longtemps possible, et vivra entouré de compagnons soigneusement choisis. Il devrait faire de l'exercice physique et rester longtemps au grand air ; voire utiliser le feu de bois, à la place du charbon. Chaque signe montrant la présence en lui d’une trace résiduelle de mauvaise influence sera la preuve de la nécessité de persévérer à contrôler ses pensées et s’obliger à prendre refuge dans des réalités spirituelles pures et élevées. Ceci sera fait, en toute occasion avec détermination et la compréhension qu’une souffrance est préférable à une abdication. Si cet homme peut développer cet état d’esprit en lui, et si son médecin peut l’aider à trouver l'aide bienveillante d'un magnétiseur fort et sain, de caractère pur, il pourra  être sauvé. Un cas presque identique à celui-ci, sauf que la patiente était une femme, nous a été signalé en Amérique ; le même conseil que celui donné ci-dessus a été appliqué, et le "mal" l’obsédant a été chassé et tenu l'écart depuis.

The Theosophist, mai 1880, publié par H.P. Blavatsky.