Nirmânakâya
(skt). Dans la philosophie ésotérique, ce mot évoque quelque chose d'entièrement différent de ce que lui prêtent le sens populaire et les définitions fantaisistes des orientalistes.
Certains, (comme Schlagintweit), appellent le corps nirmânakâya « nirvâna* avec restes », en supposant, probablement, que c'est une sorte d'état nirvânique où la conscience et la forme sont conservées. D'autres déclarent que c'est l'un des trois corps (trikâya), « doué du pouvoir de prendre n'importe quelle forme d'apparition, afin de propager le bouddhisme* » (voir Eitel [Hand-book for the Student of Chinese Buddhism]), ou encore que c'est « l'avatâr* incarné d'une déité » (ibidem). Pour sa part, l'Occultisme* affirme (voir La Voix du Silence [note 44, pp.93-4]) que, bien que le sens littéral soit « corps de transformation », le mot nirmânakâya renvoie à un état. La forme est celle où s'incorpore l'adepte* ou le yogi* qui entre dans cet état post mortem (ou qu'il choisit) de préférence à la condition de dharmakâya ou d'état nirvânique absolu. S'il le fait, c'est parce que ce dernier kâya [corps] le séparerait à jamais du monde des formes, en lui conférant un état de béatitude égoïste, auquel ne pourrait prendre part aucun autre être vivant, l'adepte étant dès lors privé de la possibilité d'aider l'humanité, ou même les deva*. Par contre, comme nirmânakâya, l'adepte abandonne seulement son corps physique et conserve tous les autres « principes » à l'exception du kâmique, car il l'a extirpé à jamais de sa nature pendant la vie incarnée, et ce principe ne pourra en aucun cas ressusciter dans l'état posthume de l'adepte. Ainsi, au lieu d'entrer dans une félicité égoïste, il choisit une vie de sacrifice de soi-même, une existence qui ne se terminera qu'avec le Cycle de Vie, pour avoir la possibilité d'aider l'humanité d'une manière invisible, bien que fort efficace. Voir La Voix du Silence, traité III, « Les sept portails ». Ainsi, contrairement à la croyance populaire, le nirmânakâya n'est pas « le corps dans lequel apparaît un Bouddha* ou un Bodhisattva, sur la terre » mais c'est, en vérité, l'être qui — après avoir été Chutuktu ou Khubilgan [Mots d'origine mongole. Le terme Chutuktu, (répondant au sanskrit Ârya*) s'applique spécialement à un Bouddha (ou Bodhisattva) « réincarné », ce que signifie en propre Khubilgan (de la racine khubil, se réincarner) correspondant au mot tibétain tulku.], adepte ou yogi pendant la vie — est devenu par la suite un membre de la légion invisible qui sans cesse protège le genre humain, et veille sur lui — dans les limites de karma*. Souvent pris à tort pour un « Esprit » , un Deva*, ou Dieu lui-même, etc. un nirmânakâya est toujours, pour celui qui est digne de son aide, un ange protecteur, plein de compassion — véritablement, un ange gardien. Quelles que soient les objections soulevées contre cette doctrine, et les dénégations véhémentes qu'elle suscite — sous le prétexte qu'elle n'avait jamais été rendue publique auparavant en Europe, et que, pour cette raison, les orientalistes l'ignorant, elle devait nécessairement être « un mythe d'invention moderne » — personne n'aura l'audace d'affirmer que cette idée d'aider l'humanité souffrante, au prix d'un autosacrifice presque interminable, n'est pas l'une des plus sublimes et des plus nobles qui soient jamais sorties du cerveau humain. ― B. Corps (kâya) de « transformation» (nirmâna), de la racine nirma : construire, former, produire, créer. Les traditions exotériques désignent de ce nom le corps terrestre, ou « corps d'apparition », qui sert aux Bouddhas à venir parmi les hommes, dans l'intention de les guider vers la libération. En tibétain, le mot tulpa (sPrul-pa) renvoie à une apparition plus ou moins illusoire '' comme un fantôme "), ou à une manifestation (d'apparence réelle) mettant en œuvre un pouvoir magique ; le tulku (sPrul-sku) est l'émanation visible (ou nirmânakâya) d'un grand saint ou d'une divinité, qui s'incarne périodiquement et pour le salut des êtres - une sorte d'avatar. Pour la Théosophie, le mot nirmânakâya renvoie : l) à un état très élevé, celui de l'adepte, libéré des illusions du monde, qui demeure cependant, par compassion, dans les plans invisibles, en liaison avec la terre, et contribue au « Mur gardien » qui protège l'humanité, et 2) au « corps » (kâya) astral permanent, très pur et éthéré, qu'il a conservé pour pouvoir remplir sa mission.